Gaga de Kanouga

Puisqu'il faut apporter un peu de douceur et de tendresse à ce monde souvent brutal, il existe quelques lieux qui conservent en secret la clé des plaisirs gourmands.

Le kanouga, réputé le " caramel le meilleur du monde " (Maison Pariès)

 

 

La maison Pariès* est une confiserie, pas n'importe laquelle, puisque, fondée à la fin du 19e siècle, elle invente en 1905 le fameux caramel du nom de Kanouga. C'est Jacques Damestoy, chocolatier de son état, qui met au point, en l'honneur de l'aristocratie russe, la friandise ultime qui fera rayonner sur sa maison, l'éclat de la gourmandise éternelle.

Il baptise sa création en s'inspirant de la ville de Kalouga, pour intéresser la belle société qui fréquente, à cette époque, le Biarritz impérial.

 

De main de maître

C'est au laboratoire de Socoa que la confection artisanale peaufine le saint Graal pour le prochain défilé « de papillotes en papilles ravies ».

Parmi tous les délices qui sortent quotidiennement de l'atelier, c'est toute une ribambelle de bonheurs sucrés, confits, chocolatés, qui éclatent en feux d'artifice aux mille éclats de goûts et de couleurs. Les Tourons, Muxu, délicieuse friandise symbolisant le baiser et gâteaux basques, partagent les étals des vitrines avant de s'offrir à la dégustation. Le Kanouga possède une place de choix puisqu'il est la plus ancienne des spécialités produites dans cet établissement. Il en existe de différentes variétés, reflétant chacune une parcelle de terre promise.

Il se décline en six saveurs dont un divin mélange de piment d’Espelette au caramel beurre salé, du nom de Kaxu.

 

Vertigineuse sensation

Commencer par l'extirper de son emballage, déjà, ce sont les doigts qui tremblent, frénétiquement.

Ceci fait, c'est du regard qu'il vous fait cligner de l’œil, charpenté et compact dans son habillage, tel une compression du sculpteur César mais en plus moelleuse. Enfin c'est le moment de l'offrande sacrificielle qui vous transporte tout entier(e), dans le pays merveilleux des plaisirs interdits. Faire glisser lentement l'objet du désir dans votre bouche, béante et salivante, prête à vivre en cet instant suprême, l'extrême-onction des gâteries solennelles.

Bientôt la résurrection des sens en émoi, la délicate sensation d'un plaisir qui s'écoule en vous, lentement, inexorablement, comme un poison subtil qui se répand jusqu'à l'étourdissement et vous laisse groggy, comme submergé par l'aventure.

Vous venez de laisser fondre en vous le plaisir sacré du Kanouga.

 

Famille et tradition

Entreprise familiale, issue d'une longue tradition construite et consolidée par cinq générations, Céline Pariès illustre cet attachement par « la gourmandise comme dénominateur commun ».

Il n'est jamais facile de porter un héritage, il faut aussi parfois faire des concessions, donner de soi, de son temps, pour veiller au bon fonctionnement de l'édifice, mais ici, « aucune obligation d'assurer une succession, cela doit venir instinctivement ».

La qualité en dépend et le dynamisme d'une entreprise qui vient de fêter son 120e anniversaire, se traduit encore aujourd'hui, dans la volonté permanente de proposer de nouvelles recettes. Ainsi les gâteaux basques qui se déclinent à présent en chocolat, noisette ou agrumes.

Quelques 8 000 pieds de noisetiers viennent d'être plantés sur les hauteurs d'Urrugne pour « assurer d'ici quelques années une partie des besoins en matière première ». Bref, l'histoire ne fait que commencer.

S'il devait se traduire par les mots, il se dirait poème, s'il était une peinture il serait exécuté par des mains expertes, celles de Raphaël ou Michel-Ange, mais il est Kanouga, du nom de ce caramel, « le meilleur du monde » selon la presse new-yorkaise, tendre et fondant, exquise confiserie.

Les russes ne viennent plus, qu'importe, la maison s'adapte aux mœurs sans jamais renier ses racines basques, et si la prochaine douceur devait se nommer Dubaiga ou Indyria, toujours la maison du plaisir se dira Pariès tel une anagramme presque complet faisant aussi penser qu'il n'y a jamais de hasard, même au cœur de l'atome que l'on nomme plaisir.

 

Éric Boulanger

 

*La Maison Pariès est présente à Saint-Jean-de-Luz, Bayonne, Biarritz, Socoa, Urrugne, Paris 6e et San Sébastien.

www.paries.fr