L. Décors

Lise NICOULEAU et Laurent MARZANO ou ceux sans qui les choses ne seraient que ce qu'elles sont.

 

Bordeaux se restaure, Bordeaux s'embellit, Bordeaux fait peau neuve et l'atelier L. Décors est un acteur privilégié de ces transformations. Se tromper c'est ennuyeux, tromper les autres c'est très mal mais tromper l’œil lorsqu'on est artiste en « les matières », c'est extraordinaire.

Parcours

À mi-chemin entre le cours Victor Hugo et le cours de la Marne, au 61 rue Leyteire, se trouve L.Décors. Une façade vitrée, sur la porte une ardoise d'écolier qui indique, selon le moment, ouvert ou fermé. Aujourd'hui, Lise est seule, son compagnon Laurent travaille sur un chantier à l'extérieur. Elle est jeune, avenante, spontanée, souriante et passionnée par son métier. Et pour cause, tout autour d’elle, rien que de beaux objets ! Lise est parisienne, son père est sculpteur.

 

Après des études classiques, elle entre dans un atelier de cartographie où elle travaille pendant un an et demi. Mais le règne de l'ordinateur arrive à grands pas, l'entreprise s'informatise et Lise se retrouve bien frustrée, ce qu'elle aime, c'est dessiner. Elle part donc et devient auxiliaire de puériculture dans une crèche. En même temps, le soir, elle suit des cours de dorure et de dessin d'art. Enfin une embauche dans ses cordes dans un atelier de décoration parisien très connu. Lise est heureuse, le travail est difficile, certes, mais elle a l'opportunité d'apprendre sur le terrain. En dehors de ses heures de travail, elle rejoint l'école Boulle pour des cours de modelage, de dessin et de sculpture sur bois. Une vraie passionnée.

 

Laurent, lui, entre à 16 ans dans la prestigieuse entreprise de décoration où son père travaille déjà. Il obtient un CAP de peintre et suit en parallèle à son labeur, les cours d’une école d’arts décoratifs.

Pendant 26 ans, il se perfectionne et déploie sans compter passion, enthousiasme et énergie. Il travaille aussi bien pour l’Opéra Garnier que pour l’Élysée. Des chantiers de rêve. Mais un jour, ils en ont assez. Ils ont acquis du savoir-faire, ils sont jeunes, ils quittent tout pour fonder leur propre entreprise. Le point de chute, c'est Bordeaux en 2007. Au début, leur appartement sert d'atelier. « Il y en avait partout » confie Lise. Puis les commandes arrivent et en novembre 2012, ils s'installent rue Leyteire. Mais que font-ils ?

 

Restaurer, recréer, inventer

Du beau, du très beau, du vrai et du faux. En 2007, la salle du grand foyer de l’Opéra de Bordeaux fait peau neuve. Laurent assume la responsabilité des dorures et peintures, fleurons de l’édifice. Au café de l’Opéra, il restaure en trompe-l’œil les pieds des colonnes. Le café des Quatre sœurs, pour les anciens ou le café Napoléon pour les plus jeunes, est un établissement répertorié aux monuments historiques. Les plafonds, décorés et ouvragés avaient, au fil du temps, subi les outrages des fumées et de la lumière. Lise et Laurent ont redessiné les motifs et retrouvé les couleurs d’origine. Entrez, levez les yeux, vous serez stupéfaits.

La dorure à la feuille : une spécialité et une passion de Lise Nicouleau

Que dire des faux marbres, des faux granits, des faux bois de toutes essences ou encore des faux galuchats (peau de raie ou de requin) ? Il faut toucher pour se rendre compte du subterfuge, l’œil est trompé mais comblé. Dans un coin du local de la rue Leyteire, une porte XVIIIe siècle attire l’attention, moulures dorées à la feuille, décor exotique, des éléphants sur un fond pastel. Ce bel objet, exposé à la foire des Quinconces, a suscité l’admiration d’un visiteur et Lise en a réalisé la réplique dont elle a même inventé une suite décorative.

 

Les dessins et la dorure sont ses deux passions. Sur ces sujets, elle est intarissable. Elle vous vante les produits qu’elle utilise : la colle de peau de lapin, le blanc de Meudon, la terre d’Arménie ou encore la teinte jaune qui s’insinue dans les moindres interstices. Elle vous explique ses techniques : le travail de patience et d’adresse, les couches successives à répartir avant d’appliquer la feuille d’or. Elle vous présente ses outils, comme la pierre d’Agathe oblongue et effilée qui parcourt et creuse délicatement circonvolutions et volutes, brunissant l’or pour en accroître encore l’éclat. Vous croyez rêver.

 

 Quant à Laurent, ses passions ce sont plutôt les peintures et leurs effets qui transforment plafonds, corniches et colonnes, les couleurs et tous les artifices des trompe-l’œil qui vous laissent ébahis et songeurs. Ils se complètent.

Lise et Laurent ne réservent pas leur art aux chantiers prestigieux. Le petit meuble de votre grand-mère est-il un peu triste, la dorure du trumeau du salon laisse-t-elle à désirer, le cuir du bureau est-il devenu grisâtre ? Poussez la porte à l’ardoise, vous ressortirez émerveillés et conquis tant par le lieu que par l’accueil et la compétence des deux artistes. Ici l’envers du décor vaut bien le décor.

Texte de Dany Guillon, photos de P. Guillot