Sortir de sa coquille

On dit : « La vie, ma vie, on n’a qu’une vie. » Alors, Nicolas est un homme singulier car il est pluriel dans ses vies.

 

 

Carrure imposante, sourire généreux, poignée de main énergique et chaleureuse, Nicolas accueille L’Observatoire dans sa Ferme de Garonne* où avec enthousiasme et modestie il nous conte son parcours.

Né en champagne, il a grandi dans cette région viticole où très tôt il s’est intéressé à la nature. Les années passant, il est devenu un commercial averti parcourant les routes pour vendre de l’outillage aux entreprises du bâtiment. Il s’est marié et il a eu deux enfants qui, une fois adultes, sont partis vers d’autres horizons. Une page s’est tournée. Nicolas a pris la décision d’entamer une seconde vie avec l’objectif de choisir une profession qui lui permette d’être créateur de A à Z, de la matière première au produit fini.

 

Tout passe par les cornes

Son épouse avait de la famille dans le Lot-et-Garonne, Nicolas connaissait un peu la région. À Marcellus, près du canal, il a acquis une ferme et la terre environnante. Ensuite il a retroussé ses manches et au travail. Première étape : retaper la maison. Un an de labeur acharné avec en parallèle un emploi de magasinier. Ensuite, il est parti en Charente, patrie de l’escargot par excellence pour se former à l’héliciculture. Et oui, son rêve c’était les « cagouilles ». Même si on dit d’ordinaire que ces animaux portent leur maison sur leur dos, les élever ne se résume pas à les regarder grossir sur des feuilles de laitue. Donc deuxième étape : créer l’environnement adéquat. Nicolas nous a gentiment expliqué la démarche. Il faut d’abord installer des parcs bien fermés, entourés de fils électriques, pièges pour les cornes des fuyards éventuels et remparts contre les prédateurs venus du sol. Pour les oiseaux, on tend des filets au dessus des enclos et les jours de grande chaleur, on déploie des bâches comme dans une serre. Ces petits animaux ont grand besoin d’eau, un arrosage automatique se déclenche en cas de chute du degré d’hygrométrie. L’alimentation est simple : radis fourrager, colza et aliments céréaliers, ni salade, ni légumes verts. Mais le moment le plus important, c’est le printemps, après l’hibernation vers le mois de mars, on trie les plus beaux spécimens, on les regroupe et il ne leur reste plus qu’à jouer des cornes pour s’accoupler. Deux semaines plus tard, les deux amoureux plongent la tête dans le terreau ou dans des nichoirs pour pondre. L’escargot est hermaphrodite et les deux sujets portent des œufs (entre 50 et 100). Bel exemple de parité ! Et miracle, ils pondent par le cou. Trois semaines plus tard, les petits sont là, gros comme une tête d’épingle, un peu mous, mais fin prêts. Quinze jours de nursery et chacun s’en va faire sa vie. Aucune reconnaissance pour les pauvres parents ! Encore quatre mois d’attention et de soins et ils aborderont leur dernière étape. Tout cela peut sembler simple mais parvenir au stade ultime est le fruit d’un travail de chaque heure et de chaque jour. « Même lorsqu’ils hibernent il faut les trier et les surveiller, sur 400 000 escargots en début de saison, seulement 250 000 arriveront dans le court-bouillon nous confie Nicolas.

 

Ripaille

Auprès des enclos, il a installé son laboratoire. Le lieu est moderne, fonctionnel et fleure bon les herbes et les épices, c’est là que Nicolas vit sa troisième vie et sa passion de toujours pour la cuisine. S’il élève ses escargots avec ferveur, conviction et enthousiasme, c’est avec autant de plaisir qu’il les trie une dernière fois, les fait jeûner, les lave abondamment et les court-bouillonne pour préparer ensuite ses propres recettes, toutes plus inventives les unes que les autres. Il allie avec bonheur ses pensionnaires aussi bien à la tomate de Marmande, qu’au roquefort du Quercy, aux champignons de Paris ou à la crème de Normandie. Il jongle avec les goûts, les saveurs, les parfums, les régions. Il vit son rêve. « Le contrat des Fermes d’Aquitaine est rempli, du producteur au consommateur » ajoute Nicolas avec un clin d’œil complice.

Et lorsqu’il s’installe sur le marché de Marmande, le samedi, ce ne sont plus les escargots qu’il regarde baver, ce sont les gourmands qu’il entend saliver devant ses préparations alléchantes**.

Dany Guillon

 

*27 fermes en Lot-et-Garonne

**aquitaine.escargots.free.fr