BD pour tous

Les aveugles et les malvoyants peuvent, eux aussi, lire des bandes dessinées !

 

Le Groupement des intellectuels aveugles et amblyopes est une association créée en 1949 pour aider les aveugles à suivre des études, d’où son nom. En 1960, il s’ouvre aux malvoyants et plus récemment à toute personne empêchée de lire. Cette association comporte huit délégations régionales, celle d’Aquitaine est présidée par Béatrix Alessandrini, totalement aveugle suite à un accident, elle anime avec maestria un groupe de 80 bénévoles.

 

Une ruche active

Cette grande dame, sourire aux lèvres, vous accueille gentiment et vous souhaite la bienvenue dans les locaux de l’association* et vous précise sans ambages tout ce qui s’y fait. Puis le trésorier, Jean Chanteloube, un vigoureux nonagénaire, vous fait découvrir la maison.

Ici, Marie-Flore, une personne aveugle enseigne le braille à une dame dont la vue baisse régulièrement et inexorablement. Plus loin, quatre personnes, assises devant des écrans d’ordinateurs, numérisent des livres scientifiques et préparent leur transcription audio avec un logiciel spécifique. C’est maintenant une bibliothèque sonore de plus de 9 000 CD. Chacun reprend le texte complet d’un roman, d’une biographie ou encore d’un policier. Cent vingt abonnés les empruntent. Les envois et les retours se font généralement par la poste, dans des pochettes bénéficiant de la franchise postale. Tous ces livres ont été enregistrés par des bénévoles car, si la voix synthétique est bien adaptée pour les documents techniques, elle n’a pas la chaleur et la variété des voix humaines que requièrent ces transcriptions.

 

Écouter pour lire

Voici maintenant le domaine de Nicolas Bardinet, l’homme des BD audio décrites. Il a exercé plusieurs métiers : professeur de droit, conseiller fiscal, directeur de Mollat Musique, musicien, etc. Il a aussi commis deux ouvrages : Une histoire du banjo, qui fait autorité en la matière et un roman L’Insoumis, publié chez Atlantica. À la retraite, il a rejoint l’association, voici 6 ans.

Tout démarre lorsque des aveugles disent : « Mais c’est quoi une bande dessinée, c’est quoi Tintin ? » Encouragé par Béatrix Alessandrini, Nicolas propose de relever le gant. « Vas-y, fonce, fais-nous une BD sonore ! », lui dit-elle. Voilà qui est insolite, comment peut-on traduire en paroles et en sons une bande dessinée dont l’expression visuelle est l’élément déterminant ? Hergé, avec une ligne claire et directe, passionnante à décrire, convient bien. Il débute par Tintin au Tibet.

C’est alors la préparation avant enregistrement : description précise du décor de chaque image et de l’action qui s’y déroule, casting des acteurs, tous bénévoles, il recherche des voix typées, afin qu’il soit aisé de les reconnaître au moment de l’écoute.

Pour l’enregistrement, tout se passe devant l’ordinateur de Nicolas, équipé pour l’occasion d’un micro et d’un casque pour le retour son. Il intervient le premier et enregistre : la présentation physique des personnages et de leurs vêtements ; la description détaillée de chacune des images ; la traduction des onomatopées ; parfois de la musique ou des bribes de chant. Puis, chacun des acteurs lit ses bulles en jouant le personnage et en y mettant un accent, si nécessaire. Et c’est enfin le mixage et la fabrication d’un premier CD.

Le résultat est stupéfiant. Placez par exemple, dans le lecteur de votre ordinateur, Le crabe aux pinces d’or, l’une des 10 audio descriptions des BD d’Hergé réalisées à ce jour à raison de deux par an. Vous fermez les yeux. Après la mention légale réservant ce CD aux seuls déficients visuels et le générique des 18 acteurs jouant les différents rôles, place à l’aventure. Vous entrez dans l’histoire, rien ne vous échappe : chaque décor, chaque action, chaque bulle, chaque son, tout est là, parfaitement organisé. Sans voir le livre, vous le lisez. Mission bien remplie.

Cette association, qui fait un travail exceptionnel, recherche toujours de nouveaux bénévoles, aussi, si vous avez du temps libre, prenez donc contact avec sa présidente.

 

Roger Peuron

 

*GIAA

14, rue de La Réole

33800 Bordeaux

http://www.giaa-aquitaine.fr/

 

05 56 31 48 48