Un régiment de costumes

Art du costume à la Comédie française, au CNCS en 2011 (Connaissances des arts No 608)
Art du costume à la Comédie française, au CNCS en 2011 (Connaissances des arts No 608)

 

 

 

Cet été, L’Observatoire a assisté aux festivités

du dixième anniversaire de l’ouverture du CNCS, Centre national du costume de scène et de la scénographie. 

Moulins est en fête : inauguration par une exposition de photos-souvenirs du Quartier Villars, émission d’un timbre-poste dessiné par Christian Lacroix, président d’honneur du Musée, ouverture de l’exposition Barockossimo sur les Arts florissants en scène, accompagnée d’un concert de William Christie, bal costumé où chacun peut réaliser sa tenue grâce à l’atelier de couture, pique-nique champêtre et feu d’artifice. Un son et lumière sur la façade du Musée retrace le succès des neuf années passées et de ses 700 000 visiteurs.

 

Un pont entre deux rives

Au XVIIIe siècle, un pont de pierre permet à Moulins, capitale du Bourbonnais, jusque-là cantonnée rive, de s’étendre sur l’autre bord de l’Allier. Le premier ministre de Louis XV décide d’implanter un régiment de dragons et de cavalerie, rive gauche. La construction du Quartier, dénommé Villars, débute en 1770. Le chantier est remarquable par sa maçonnerie en pierres clavées et tirants de fer incorporés, l’escalier central à double révolution, en grès rose et jaune, témoigne d’une grande perfection dans la taille de la pierre et d’une ingéniosité rare quant au plan destiné à permettre une mobilisation rapide des troupes et de loger convenablement hommes et chevaux. Le Quartier Villars prospère jusqu’en 1930 puis c’est le déclin : endommagé, puis occupé par la gendarmerie jusqu’en 1981, à nouveau délaissé, prenant l’eau de toutes parts, menacé de démolition, il est sauvé et classé en 1984 par les Monuments Historiques. La direction du patrimoine lance la réfection des toitures et des lucarnes d’origine. Mais que faire alors d’un tel bâtiment ?

 

Des chevaux aux costumes

L’État décide de créer un lieu destiné aux costumes de scène. Pierre-André Périssol, maire de Moulins, député de l’Allier, ministre du logement, obtient le financement d’un projet de grande envergure sur quatre hectares. Les architectes Voinchet et Wilmotte se voient confier la tâche. Une nouvelle aile en béton armé, recouverte d’une cote de maille en acier, est reliée au bâtiment principal par un sas de verre. Elle enferme un espace de conservation de 10 000 costumes provenant de l’Opéra National de Paris, de la Comédie Française et de la Bibliothèque Nationale de France ainsi que des toiles de décor peintes. À leur arrivée, les pièces sont mises en quarantaine, traitées par anoxie (procédé qui consiste à les enfermer dans une bulle vidée d’oxygène afin d’éradiquer les insectes). Dépoussiérées, restaurées, elles sont placées à l’abri de la lumière dans des armoires blanches qui régulent température et hygrométrie. L’édifice abrite des salles-vitrines conçues comme des scènes, un restaurant au décor Haute Couture signé Christian Lacroix, un auditorium, un centre de documentation, une librairie-boutique et un espace pour séminaires.

 

Plein feu sur les expositions

Il est temps de redécouvrir quelques-unes des plus belles vitrines qui ont marqué ces neuf années : Bêtes de scène où le règne animal et l’anthropomorphisme ne font qu’un. Christian Lacroix costumier, mais aussi Thierry Mugler, Yves Saint Laurent, Sonia Delaunay. Les mille et une nuits, fascinantes d’Orient. Les opéras russes, à l’aube des ballets. Vestiaires de divas, etc.

Le CNCS est le lieu de mémoire de celui qui fut l’un des plus grands danseurs chorégraphes du XXe siècle, Rudolf Noureev. Dans un espace permanent, 300 objets et costumes sauvés de la vente aux enchères de ses biens, ont trouvé leur dernière demeure.

Jusqu’en mars prochain, Déshabillez-moi a pour thème les costumes de scène de la pop et de la chanson retraçant 100 ans de la garde-robe de vedettes du music-hall, de Mistinguett à Rihanna. La ceinture de bananes de Joséphine Baker, le costume zébré de Johnny ou le manteau en cuir rose de Matthieu Chédid se côtoient.

Le Quartier Villars a connu de riches heures : revues, manœuvres, bals et concerts ! C’est au bras d’un bel officier de cavalerie qu’une jeune et jolie couturière Gabrielle Chanel surnommée Coco, quitte Moulins pour « monter » à Paris et devenir l’icône de la mode que l’on connaît. Ce lieu était prédestiné à accueillir et à faire revivre cet unique et magnifique musée d’une mode éphémère !

Paule Burlaud