Quand la bise fut venue

À l’heure de la saison d’hiver, le froid se lève, prend vigueur et inspire les écrivains.

 

Longues nuits, jours trop courts, « morte saison » dit-on, qualificatif justifié pour sa nature endormie, ses couleurs sombres, tristes, son manque de fleurs, ses arbres dénudés, ses feuilles mortes formant un épais tapis crissant sous les pas des promeneurs la gent animale qui hiberne, les oiseaux migrateurs qui ont déserté le paysage. Pour la faune, c’est une période de privation.

 

 

La maison dans les bois est isolée par temps de neige (Similar images)

Vous n’aimez pas l’hiver

Dans les régions du Nord, au climat continental et sec, cette saison est somptueuse avec ses paysages enneigés et son roi des forêts, recouvert  de son beau manteau blanc. Dans le monde du travail manuel, les intempéries sont un problème récurent qui peut avoir des conséquences fâcheuses sur la santé. Certain matériaux ne peuvent être utilisés en dessous de 0 degré, par les maçons, les cantonniers exposés à tous les vents et giboulées, les peintres en bâtiment et tous les travailleurs qui ne peuvent correctement se chauffer. Les SDF qui, la nuit venue, ne trouvent pas où loger et qui s’abritent sous des piles de cartons, doivent se coucher à même le sol.

Dostoïevski, dans son roman Souvenirs de la maison des morts nous amène à découvrir les horreurs que permet cette saison et les hommes qui les subissent. De même citons Boris Pasternak dans Le Docteur Jivago, sans oublier Victor Hugo, Émile Zola, Charles Dickens et tant d’autres auteurs qui nous plongent dans l’enfer que vivent leurs héros durant cette saison. Jean de Richepin les exprime dans ces vers : « Voici venir l’hiver, tueur des pauvres gens » long poème sur la misère de son époque. « La neige est triste / Sous la cruelle avalanche / Les gueux, les va-nu-pieds s’en vont tout grelottant / Oh ! Le sinistre temps, oh l’implacable temps / Pour qui n’a point de feux, ni de pain sur la planche.» Ou bien « Tousse ! Tousse ! Elle laisse sur son cou / Choir sa tête, tel sous la brise un flambeau / Et pour la paix du tombeau elle est prête. » Plus nuancé Victor Hugo nous raconte les Nuits d’Hiver : Comme la nuit tombe vite ! / Le jour, en cette saison, / Comme un voleur prend la fuite, / S’évade sous l’horizon » Paul Verlaine choisit de comparer cette saison à la nature qui s’éteint : « Le ciel est de cuivre / Sans lueur aucune / On croirait voir vivre / Et mourir la lune ».

 

 

Mountain landscape painting wall paper

Vous aimez l’hiver

Dans le sud du pays c’est la pluie qui domine et mouille notre vie quotidiennement. Les enfants y trouvent du plaisir en sautant dans les flaques d’eau qu’ils rencontrent sur les chemins de l’école. Les petits attendent impatiemment les fêtes de Noël aux décors féériques, la magie des guirlandes de lumières multicolores, les cadeaux multiples ; les adultes, pour les retrouvailles familiales et la bonne chair du réveillon et les anciens, pour leurs rêves dépassés. Par ailleurs Théophile Gauthier consacre quelque vers à la merveilleuse naissance du Christ « Le ciel est noir, la terre est blanche / Cloche, carillonnez gaiement ! Jésus est né, la vierge penche / Sur lui son visage charmant ».

Imaginez-vous lové dans un fauteuil face au feu de cheminée à regarder les flocons de neige tomber. Afin d’échapper aux prédateurs variés, les oiseaux aux pattes gelées se cachent sur les branches des arbres dépouillés de leurs feuilles, remplacées par des perles givrées. Alfred de Musset nous confirme avec ses vers qu’il peut y avoir du bon dans l’hiver. « Que j’aime le premier frisson d’hiver ! / Le chaume, sous le pied du chasseur, refusant de ployer ! / Quand vient la pie aux champs que le foin vert embaume, / Au fond du vieux château s’éveille le foyer ». Quant à Théodore Agrippa D’Aubigné, il compare l’hiver au printemps « Ce doux hiver qui égale ses jours à un printemps, / Tant il est aimable ». Pour Arthur Rimbaud, cette même saison inspire la douceur « L’hiver nous irons dans un petit wagon rose / Avec des coussins bleus / Nous serons bien / Un nid de baisers fous repose / Dans chaque coin moelleux ».

On chante l’hiver pour réchauffer son cœur, pour oublier toutes les froideurs et reprendre courage dans l’attente du réveil de la nature avec l’arrivée du printemps.

 

Arlette Petit