Chauds les marrons !

Claude Mathieu et son étal, près de la Porte-Dijeaux (J.P. Ducourneau)
Claude Mathieu et son étal, près de la Porte-Dijeaux (J.P. Ducourneau)

C'est l'hiver, c'est le temps des marrons chauds et odorants. Écoutez le bruit de craquement pendant la cuisson et serrez le petit sachet en papier pour vous réchauffer les mains avant de déguster.

 

L'hiver sans vendeurs de marrons, ce ne serait pas vraiment l'hiver. Ces châtaignes grillées dans la tradition, odorantes et craquantes sont des fruits aux valeurs nutritionnelles et énergétiques : fer, calcium, potassium et magnésium.

 

Tradition et qualité

Comme chaque année entre mi-novembre et mi-janvier, Claude Mathieu s'installe au pied de la Porte Dijeaux et propose des cornets de marrons grillés. Cet emplacement privilégié, à l'entrée d'une des rues les plus commerçantes de Bordeaux, est aussi stratégique. Après le shopping, avant de prendre le bus place Gambetta, un petit sachet de marrons grillés pour le plaisir. Claude et son épouse vous accueillent avec le sourire et ne sont pas avares d'explications quant à leur commerce. Que le client se rassure, tout est conforme. Les marrons sont achetés chez un grossiste qui garantit leur qualité. Le matériel de cuisson est lui aussi contrôlé. Hygiène et sécurité sont des éléments fondamentaux pour exercer cette activité, comme toute autre relevant du commerce alimentaire. Outre les chalands occasionnels et les touristes étrangers qui font une halte devant son étal, Claude cite en exemple un client, assez âgé, qui vient une fois par semaine, en tramway depuis Mérignac, acheter un cornet pour son épouse de quatre-vingt-dix ans. Elle ne peut se déplacer et adore les marrons grillés. La qualité, disions-nous !

 

Voyageur et sédentaire administratif

Claude est forain, il fait partie de la grande famille des gens du voyage. Son arrière-grand-père présentait une ménagerie à la foire de Bordeaux, sur les Quinconces et son grand-père avait créé une des premières loteries. Ces grandes roues qui tournaient et permettaient de gagner peluches ou paquet de sucre… Pour Claude, « toutes proportions gardées, c'était l'ancêtre de la Française des Jeux ». La famille Mathieu exploite des stands dans les foires du Printemps et d’Automne et grille les marrons pendant l'hiver. À Bordeaux, Claude a installé son brasero puis son grill ambulant sur le cours Victor Hugo, puis sur les quais au bout des allées de Chartes, de manière éphémère devant l'Office du tourisme avant de se sédentariser rue Porte Dijeaux. Étant inscrit au registre du commerce, il bénéficie d'une autorisation de la Mairie pour la période du 15 novembre au 10 janvier.

 

Une vie sur les routes

Claude est intarissable et fier de parler de son métier, de son état de forain. Il vit avec son épouse et leurs quatre enfants dans deux caravanes, une grande de 40 m² et une plus petite qui sert de chambre pour ses filles. Il est domicilié à Cenon. Les enfants ont tous été scolarisés dans cette commune et dans la Métropole pour le Lycée. La vente de marrons n'est qu'une étape dans la vie trépidante de la famille Mathieu. De janvier à fin février, il lui faut préparer le stand de tir à l'arc qu'il implante sur les Quinconces pendant la Foire aux Plaisirs du mois de mars. Après, ce seront les routes de France pour les diverses fêtes dans les communes rurales. Dans certains villages l'arrivée des forains est un évènement à la fois festif et économique. « Les commerçants réalisent leur meilleur chiffre d'affaires de l'année avec l'arrivée des caravanes », martèle Claude. « Les forains sont des clients qui aiment bien manger et qui savent apprécier les produits du terroir », insiste-t-il. Il peut y avoir des difficultés avec certaines municipalités. Ce n'est pas le cas à Bordeaux où les forains disposent, pour leurs caravanes, d'emplacements décents pour tout ce qui concerne l'eau potable, l'électricité et l'évacuation des eaux usées. « Ce n'est malheureusement pas le cas partout », se désole Claude qui confie « on stigmatise toujours les gens du voyage mais nous sommes des commerçants comme les autres, qui payons nos impôts et qui apportons la joie et la bonne humeur partout où nous nous installons ». Les enfants, continueront-ils la tradition familiale ? La question n'a pas eu de réponse. Mais pour Claude et son épouse la vie, c'est la découverte des autres le long des routes.

 

 

 

Jean-Pierre Ducournau