Matière première, le son

Enregistrer un groupe, être présent lors de concerts pour diffuser sa musique, telles sont les missions d’un ingénieur du son.

 

Damien Coutrot, 39 ans, barbe de plusieurs jours, le visage éclairé par un beau sourire, vous accueille très simplement et gentiment au cœur d’un chantier de construction d’un studio d’enregistrement, à quelques centaines de mètres de la place de la Victoire [1]. Il est ingénieur du son, son métier est assez peu connu bien qu’indispensable pour l’enregistrement et la diffusion de tous types de musiques et des chansons.

 

Souvent sur le terrain

La formation de Damien a débuté, après le lycée, par 18 mois au sein de SAE Institute à Paris, école des métiers de la production musicale, complétée par des stages, ce qui lui a permis d’acquérir les notions de base liées aux métiers du son. Puis, de 2004 à 2008, il suit une formation en alternance afin d’obtenir un BTS électronique au sein de la société Tapages et Nocturnes de Clichy (92) qui loue et vend du matériel audiovisuel. Par ailleurs, à partir de 2007, il participe pendant les week-ends et les vacances à la sonorisation de spectacles organisés par des MJC de la région parisienne. C’est dans ce cadre qu’il découvre le groupe Danakil, spécialisé dans le reggae français. Il devient au fil du temps de plus en plus actif au sein du groupe pour l’enregistrement d'albums en studio et lors des tournées. 

 

En plusieurs étapes

« Pour un groupe, après une phase plus ou moins longue de répétition, explique Damien, intervient l’enregistrement des différentes sections. Pour commencer batterie, guitare, basse, clavier, puis cuivres (saxophone, trompette, trombone), viennent ensuite les voix et enfin les instruments additionnels. Puis c’est le mixage. Le groupe choisi, dans tout ce qui a été enregistré, ce qui correspond le mieux au résultat souhaité. L’avis des chanteurs et chanteuses compte beaucoup. Je donne également le mien, en faisant attention à ne pas vexer les artistes. Je dois trouver les bons mots pour parler musique… tout un art ! Difficile de contenter chacun, c’est pourtant le prix à payer pour obtenir un album satisfaisant. Puis, devant la table de mixage, j’ai la lourde tâche d’essayer de traduire ce que j’ai retenu des discussions. »

Pour enregistrer un album complet, il faut compter environ 60 jours de travail. Cette durée est réduite sensiblement selon la composition du groupe, c’est ainsi que, pour un chanteur s’accompagnant à la guitare, il suffira de quelques jours.

« Lors du concert d’un groupe, poursuit-il, nous sommes deux ingénieurs du son. Le premier est responsable du son perçu par le public dans la salle et le second des sons en retour vers les musiciens. Pour le premier, son travail se rapproche de celui fait en studio, mais cette fois en temps réel : faire en sorte de mettre en évidence les solos et les paroles des chansons. Pour les retours, perçus par les musiciens dans des oreillettes ou par l’intermédiaire de baffles placés devant eux, il s’agit de sons plus bruts, différenciés par pupitre. Ce qui impose plusieurs mixages simultanés. »

 

À Bordeaux

Le groupe Danakil, attiré par une qualité excellente et par des coûts nettement moindres que ceux pratiqués en région parisienne, investit le studio Berduquet de Cénac, pour enregistrer son 4e album. Un 5e suivra en 2016. Damien était aux manettes pour les deux. Outre ces derniers, il a mixé l’enregistrement d’une dizaine de d'albums dans ce studio pour bien d’autres groupes, entre 2013 et 2017.

En 2011 Danakil crée le label Baco Records pour produire ses albums. Ayant trouvé à Bordeaux des conditions favorables, il décide de s’y installer et d’y créer son propre studio. Il achète alors un bâtiment ancien en mauvais état et fait appel à l’acousticien bordelais Christian Malcurt. Cet expert a réalisé l’acoustique de plusieurs salles de concert, dont l’Aréna de Bordeaux, et nombre de studios d’enregistrement. Son objectif, ne pas créer de nuisances vers l’extérieur et faire en sorte qu’il n’existe pas de gêne réciproque entre le studio et les bureaux au premier étage. La réalisation étant assurée par des entreprises spécialisées.

Les services administratifs du label sont installés à Bordeaux depuis 2013, le studio est opérationnel depuis avril 2019. Damien qui réside avec sa petite famille à Nansouty est, dès à présent aux commandes du studio.

 

Roger Peuron

 

Encadré

Danakil

Danakil, du nom d’un désert éthiopien, est un groupe de reggae français, formé en 2000 par une bande de copains lycéens. Il porte un message engagé sur une musique métissée, oscillant entre reggae et musique du monde.

Il se fait progressivement connaître à travers de nombreux petits concerts dans des bars et des salles minuscules de l’ouest de la France. Sa notoriété augmentant, il est appelé à jouer dans de grandes salles parisiennes, élargissant ainsi son public. Dans le même temps, Danakil assure les premières parties de nombreux groupes de hip-hop et de rock. 

Il effectue une première tournée en 2005 et sort un premier disque en 2006. Mais, après le lycée tous ont poursuivi leurs études. L’un est devenu psychiatre, l’autre instituteur, un troisième assistant d’éducation ou encore surveillant de piscine. Mais subsiste ce lien qui les rassemble autour de la musique. Et un jour, il leur faut choisir : demeurer amateurs ou devenir professionnels. C’est chose faite en 2009, ils quittent leur emploi et vogue la galère ! Cette même année, avec près de 300 concerts à son actif depuis ses débuts, le groupe reçoit comme distinction le titre de meilleur album reggae français. Les albums vont alors se succéder : 2011, 2012, 2013, 2014, 2016. Danakil remporte les Victoires du reggae 2012.

Outre ses enregistrements, le groupe, véritable activiste du reggae et de la musique indépendante, sillonne les routes du monde entier, délivrant des centaines de live brûlants qui font une grande partie de son succès. À ce jour, il a donné plus de 700 concerts.

Les textes sont inspirés par des faits d'actualité et posent un regard critique sur le monde actuel : les inégalités Nord-Sud, les difficultés de l'Afrique, l'hypocrisie des hommes politiques, les problèmes climatiques, la liberté des peuples et d'une manière plus générale les dérives de la société de consommation, etc. En plus de ces textes engagés, Danakil aborde aussi des sujets plus légers comme l'amour, le temps qui passe, l'envie de voyager et de découvrir le monde.

 

Encadré

Baco Records

En 2011, le groupe Danakil, désireux de maîtriser l’ensemble de la chaîne pour produire et diffuser ses propres disques crée Baco Records. Il prend progressivement sous contrat d’autres artistes rencontrés souvent lors de tournées. Le label est amené ainsi à produire une dizaine d’albums par an.

Douze personnes constituent l’administration au sens large du label aussi bien pour la production de ces albums que de leur diffusion.

Tous les musiciens de Danakil et Damien en sont les fondateurs.

 

 



[1]
                        [1] 18, rue Tiffonet, Bordeaux