Une allemande à Lacanau

Que de chemin parcouru entre la Prusse Orientale et le Sud-Ouest !

 

Régina, des vestiges de blockhaus et  l'immensité des plages de Lacanau

« Laisser faire, laisser aller… » C’était le titre d’un article du journaliste Nils Minkmar, paru en septembre 2008 dans le Frankfurter Allgemeinen Zeitung*, suite à un mauvais documentaire de TV5 sur Lacanau en hiver. Pour lui, qui venait en vacances chez son grand père et qui vient chaque année avec sa famille : « la liberté absolue règne à cet endroit. »

C’est aussi l’avis de Regina, née durant la seconde guerre mondiale, à Königsberg en Prusse Orientale. Elle a dû quitter cette ville annexée par la Russie, trouver refuge à Dortmund avant de venir s’installer à Lacanau.

 

Qui est-elle ?

Amoureuse des langues, elle étudia le latin, le grec et l’anglais au lycée. Pour sa culture personnelle, en même temps que des études de droit et de notariat, elle apprend le français. Grande sportive, il est plus simple de lui demander : « quelles disciplines n’avez-vous pas pratiqué Regina ? »

« Le parachutisme, j’ai toujours eu peur du vide. »

Enfant, elle accompagnait son père à la chasse, c’est une de ses passions. Sa maison s’enorgueillit de quelques magnifiques trophées, ainsi que d’une belle collection de cors de chasse dont elle joue. Rossini, Dampierre n’ont pas de secrets pour elle. On peut se demander pourquoi, elle, qui aime tant la nature, sacrifie la faune ?

« J’ai appris avec mon père à chasser en respectant le gibier et en lui laissant sa chance. »

 

Pourquoi Lacanau ?

Depuis les années soixante, Regina écume les plages, de la Normandie à Biarritz. Un jour, elle fait une halte au camping de Lacanau et y revient chaque année depuis. Elle est frappée d’un coup de foudre pour ces paysages qui lui rappellent son enfance au bord de la Baltique.

D’immenses plages vides jusqu’au Porge commencent juste à attirer une clientèle ivre de nature et de naturisme. Derrière les dunes, la forêt est sauvage, c’est ce qui plait à une bande de baba cool allemands, installée sommairement. Parmi eux un artiste, accompagné d’un stock de peinture, habille les blockhaus. Il vient durant des années restaurer ses œuvres ; une tortue, un œuf au plat, un sphinx etc. voient le jour. Aujourd’hui, ce qui en reste est remplacé par une superposition de tags.

 

Accueil des Canaulais

Regina ne se rappelle pas d’avoir ressenti d’hostilité. Elle s’est intégrée à la vie locale dans de nombreux domaines : sport, associatif, culture et loisir. Elle a préféré se fondre dans le milieu local plutôt que de pratiquer le « vivre entre soi » Très vite, elle a ressenti le désir de s’y installer.

« Pour ce faire, j’ai joué à la pétanque, appris la belote ! »

Regina achète une maison en 1982 où elle vient le plus souvent possible. Elle profite de ces longs voyages pour découvrir la France à travers les routes buissonnières. Elle a de bonnes relations avec son proche voisinage. Quelques années plus tard, elle invite la rue à une choucroute- partie dans son jardin. Tous sont là, étonnés et curieux, l’ambiance est sympa, la bière coule à flot, les langues se délient. Elle apprend que lorsque qu’elle a acheté la maison, une pétition de propriétaires avait demandé à la mairie d’empêcher son installation… C’est du passé, sans conséquence !

 

La retraite arrive

Les journées sont trop courtes pour Regina. Elle a intégré le chœur symphonique d’Éliane Lavail à Bordeaux. Elle joue au bridge, fait du vélo, s’occupe de l’église avec laquelle elle a créé une ONG pour aider le Burkina Faso. Elle a sa place au sein de nombreuses associations, participe au jumelage avec Thuning qui organise de beaux échanges, mais qui ne sera jamais officialisé (politique oblige, cet accord fut signé par le précédant maire…).

En 2010, la découverte d’une sclérose en plaques mine son moral, l’oblige à ralentir, elle se soigne en Allemagne où elle bénéficie d’un médicament à base de cannabis, interdit en France. Elle envisage même de quitter Lacanau. Mais rien ne peut arrêter Regina, elle va reprendre la bicyclette. En ce moment, elle fait le tour du monde en vingt et un jour et huit escales.  

« À soixante-dix-sept ans, il était temps que je réalise ce rêve ! »

Regina a eu et a une belle vie, bien remplie. A-t-elle des regrets ?

« J’aurais voulu vivre comme un ermite pendant une année. J’aurais voulu partager la vie de Vivre en cabane** »

 

*journal allemand

** Un roman qui raconte la vie d’une poignée de notoires soixante-huitards Canaulais, vivant dans les maisons forestières de gemmeurs abandonnées que L’Observatoire vous racontera peut être un de ces jours !

 

 Paule Burlaud