Dans un village du Chiapas ( Jano)
Dans un village du Chiapas ( Jano)

Du Chiapas au Bordelais

Comment un jeune mexicain, originaire du Chiapas, a-t-il pu se retrouver à Vayres, petite commune de l’Est girondin ?

 

Jano nous a conté son histoire, le soir de la gerbaude du château où il travaille. Sa vie quelque peu chaotique est enfin apaisée. Faite d’études, de travail, de voyages, d’une rencontre mais toujours avec un seul but, vivre de sa musique.

 

 

 

Une enfance pas ordinaire

 

« Abandonné à ma naissance, j’ai été balloté jusqu’à mes quatre ans dans différentes familles avant d’être adopté par ma mère. J’ai grandi dans un bar doté de chambres louées pour des rencontres tarifées. Entraînée par les fréquentations de son commerce, ma mère avait pris des habitudes d’intempérance fâcheuse pour son caractère. Cette ambiance tendue et son irascibilité n’ont pas rendu mon enfance et mon adolescence faciles. Néanmoins, elle tenait à ce que je fasse des études de comptabilité car, musicien ce n’est pas un métier.

 

À 17 ans, à la fin de mes études secondaires, je décide de partir. Commencent des années faites de voyages et de petits boulots (cuisinier, serveur maçon, électricien etc.) qui paieront des études à Guadalajara. Je les arrête un semestre avant de passer les examens finaux car les doigts me démangent et je sens que ma vie ne sera qu’une longue frustration si je ne réalise pas mon rêve de toujours.

 

Je pars avec deux amis pour un voyage qui nous amène en Colombie. Nous jouons dans la rue.

 

À cette époque, je n’ai aucune formation musicale. Impossible de suivre les cours d’une école de musique, beaucoup trop onéreux et je n’ai pas de temps entre mes études et mon travail. J’ai acquis quelques notions sur Internet et dans des livres. J’ai également suivi trois semaines de  formation pour apprendre à lire les notes et les comprendre.

 

 

 

Parce que c’est elle parce que c’est moi

 

Un jour à Playa del Carmen, dans  un bar, je rencontre une vacancière française. Malgré la barrière de la langue, nous tombons follement amoureux. Au bout d’une semaine de folie, elle repart aux États-Unis où elle travaille, elle démissionne et me rejoint en Colombie où j’ai continué mon périple.

 

Nous y restons un peu avant de rejoindre le Costa-Rica. Miracle, alors que nous nous produisons dans la rue sous une pluie diluvienne, un restaurateur nous propose de jouer dans son établissement une fois par semaine. Cela nous  permet de nous loger et de commencer à nous faire connaître.

 

 

 

La France, une opportunité

 

Ma femme est enceinte. Nous rentrons au Mexique, mais ne pouvant pas nous installer chez ma mère, nous allons vivre à Guadalajara. Je travaille comme électricien car il est toujours très difficile de vivre de sa musique.

 

Après la naissance de mon fils, un climat de violence s’installe dans le pays à cause de la présence de plus en plus oppressante des narcotrafiquants. Des menaces planent sur ma famille. Nous avons la possibilité de passer les vacances de Noël 2011 à Vayres dans la famille de ma femme. Pour moi, c’est une révélation, il est possible de vivre sans penser aux dangers qui peuvent surgir. Je lui propose que nous nous restions en France.

 

Deux mois après, je trouve un emploi dans un vignoble. Il est important pour moi de travailler, quel que soit le domaine car cela permet de m’intégrer plus facilement. En parallèle, je redémarre ma carrière de musicien.

 

 

 

La musique, une passion

 

Mon but est de me consacrer entièrement à ma musique d’inspiration latino, telle que la salsa et la cumbia. Les premières années sont difficiles. Je ne parle pas français et je n’ai pas de réseau dans le monde de la musique. À mes débuts en 2012, je me souviens d’avoir joué gratuitement dans le restaurant Jamon, jamon.

 

Le travail dans les vignes ne me donne pas le temps nécessaire pour pouvoir exercer ma passion, quelques concerts au B11 à Mérignac ou sur les quais pour le week-end de la salsa, ne me comblent pas. Je veux être intermittent du spectacle mais j’ai besoin d’un revenu complémentaire. J’ai donc appris à lire et à écrire le français et j’ai maintenant un diplôme d’électricien. J’y crois !»

 

Nous comprenons en le regardant jouer que les rêves de son enfance sont à la portée de ses doigts. Buena suerte, Jano.

 

 

 

Bernard Diot