Cuisinière oui, cheffe non

Cathy mène une double vie : peintre et cuisinière au Phénix d’Or, restaurant vietnamien à Bordeaux, qu’elle dirige depuis 25 ans. Mais ne lui dîtes pas qu’elle est cheffe... 

Cathy et son mari dans la salle de leur restaurant( photo M. Stauri)
Cathy et son mari dans la salle de leur restaurant( photo M. Stauri)

Le thème du chapeau et l’envie de sortir de la caricature du chef de cuisine coiffé d’une toque, homme blanc de plus de 50 ans, grande gueule et autoritaire, amène à chercher une femme cheffe proposant une cuisine authentique et de qualité. Pas facile d’en trouver à Bordeaux : elles se mettent effectivement peu en avant. Cathy ne fait pas exception. Ne lui dites surtout pas qu’elle est cheffe dans son restaurant, même si elle entre pleinement dans la définition !

Saveurs inhabituelles

Avant de rencontrer cette cuisinière, un déjeuner incognito dans son restaurant s’est imposé. Le Phénix d’Or est un lieu différent des restaurants asiatiques habituels. La décoration est simple, épurée et harmonieuse. Les peintures exposées au mur sont celles de notre cuisinière qui vit également de sa passion pour la peinture. L’ambiance est chaleureuse et conviviale. Une habituée interpelle Cathy par le passe plat et la salue amicalement. On entend le wok qui danse dans la cuisine. Les hommes servent en salle, les femmes œuvrent en cuisine. Certains clients déjeunent rapidement, d’autres prennent leur temps : l’équipe sait s’adapter aux contraintes et aux attentes de ses hôtes.

Le plat du jour arrive : un poulet au gingembre. La sauce est épicée mais permet de distinguer le goût des aliments. La viande est ferme et goûteuse. Le gingembre est frais, on sent les morceaux qui croquent. Je passe au dessert : un Ché Chuoi. L’odeur du lait de coco chaud monte aux narines. La texture gluante du tapioca qui fond dans la bouche, peu habituelle dans nos plats français, est associée au croquant de la cacahuète pilée et à la fraîcheur de l’ananas.

Le lieu et la cuisine sont à la hauteur. Ne reste plus qu’à rencontrer Cathy. Mais là, blocage. « Aujourd’hui, tout le monde se dit chef, annonce-t-elle. Je n’ai pas fait de grande école de cuisine. Je ne suis pas sûre d’avoir quoi que ce soit à vous dire ».

 

Une cuisine traditionnelle revisitée

Cette graphiste de formation avait prévenu sa mère lorsque ses parents ont créé le Phénix d’Or en 1984. Il était hors de question qu’elle participe à cette aventure ! Sa vie était à Paris, elle ne savait préparer que des pâtes. Un jour, où elle est de passage à Bordeaux, sa mère lui demande d’aider au service et en cuisine. Coup de foudre pour un métier dont elle pensait ne pas vouloir. Elle n’est jamais repartie et a repris l’affaire qu’elle gère avec son conjoint  depuis 25 ans.

« Je voulais faire ce qui me plaisait. Je voulais avoir une activité avec mon mari, travailler en famille comme mes parents. J’avais beaucoup d’appréhension car le restaurant marchait bien. Je ne voulais pas perdre de clientèle. » Cathy est allée plus loin : tout en respectant la tradition culinaire de son pays enseignée par sa mère, elle a épuré et simplifié la carte de son restaurant. « Tout est fait maison, sans gluten. Mais je n’ai pas besoin de communiquer là-dessus, les clients savent. Le Phénix d’Or n’est pas un restaurant asiatique, ni thaï, ni chinois. Je ne propose que des plats vietnamiens. » Cathy ne regrette pas son choix fait il y a près d’un quart de siècle « Je suis très privilégiée, avoue-t-elle. Avec la peinture et la cuisine, je pratique deux métiers qui me passionnent. »

Concernant enfin sa qualité de chef, dont elle ne veut pourtant pas, Cathy la modeste insiste : « Ce statut se mérite et nécessite du temps. On en connaît des chefs qui, parce qu’ils servent  un pot-au-feu à peine aussi bon que celui de ma belle-mère prennent le melon ! »

Qu’elle le veuille ou non, avec toute la vigilance qu’elle met dans l’accompagnement de son équipe en cuisine et le regard attentif qu’elle porte sur le bon déroulé du service en salle, Cathy est bien la cheffe … d’orchestre du Phénix d’Or....

 

Restaurant le Phénix d’Or

Rue des Frères Bonie, 33000 Bordeaux