Des ouvrages à la hauteur

Les différents ponts construits sur la Garonne pour la ville de Bordeaux ont été exemplaires et innovants ainsi que le premier pont-canal à Agen.

Le premier pont à Bordeaux (P. Guillot)
Le premier pont à Bordeaux (P. Guillot)

Le futur franchissement de la Garonne a inspiré la société Bordeaux culture et découvertes qui propose une vision des ouvrages actuels en car panoramique avec une guide du syndicat d’initiative pour une immersion à Cap-sciences, dans le cadre du chantier de Bacalan-Bastide et l’exposition Secrets de ponts. Quant au bateau Aliénor II, il embarque les passagers curieux d’observer le dessous des ponts et les rives si contrastées de la Garonne.

  

800 : passage à gué

Au temps de Charlemagne, on utilisait des gabarres pour aller d’une rive à l’autre, même un passage à gué à l’aide de planches, à Cenon, comme en témoigne le nom de la rue des palanques. Au XVIIIe siècle, l’intendant Tourny avait conçu un projet de pont à bateaux, comme celui que César avait fait construire à Rome mais il y avait trop de contraintes techniques.

 

1822 : pont de pierre ou pont Napoléon

Monument emblématique de la ville. La Garonne qu’il doit franchir est très large, 400 m à cet endroit, avec de forts courants, des fluctuations de marée de plusieurs mètres. Les bordelais, peu pressés de communiquer, ont attendu le XIXe siècle pour leur premier pont. Sur ordre de Napoléon, la construction est décidée, en 1823 les travaux terminés, un droit de péage est instauré. À chaque extrémité, se trouvaient les emplacements pour les octrois, bâti pseudo-grec, muni de trois colonnes, détruit en 1960. C’était semblable au péage de nos autoroutes. Ce pont comporte 16 piles en pierre, comme le nombre de lettres de Napoléon Bonaparte. C’est le plus long de France à cette époque. Les arches sont en briques (une fabrique a dû être installée rive droite) peu chères, mais surtout légères. En effet, les piles doivent comporter de moins en moins de matière au fur et à mesure qu’elles s’élèvent. Le lit du fleuve étant vaseux jusqu’à vingt mètres de profondeur, 250 pieux en bois sont disposés sous chaque pile. Par la suite, en 1990, ils ont été remplacés. En effet ce pont est toujours très utilisé, le tram passe dessus, la grande barge de l’A380 passe dessous : les pièces de l’avion Airbus sont transportées par voie fluviale, puis par route, pour être assemblées à Toulouse. Le tablier a été élargi à 6m en 1860 et à 15m en 1953. Actuellement, il est sous haute surveillance, les fils des Télecom et du tramway passent dans le ventre creux et des capteurs high-tech prennent en permanence le pouls de cet ouvrage de 200 ans.

 

1839 : pont canal à Agen

Le deuxième plus long de France, en pierre de taille du Quercy, il enjambe la Garonne. Majestueux, il comporte 23 voutes en anse de panier. Le canal des deux mers passe sur son tablier à 10 m au dessus de la Garonne. La voie navigable est de 9 m, le pont large de 12,5 m pour laisser la place aux chemins de halage. Il faut surveiller en continu l’étanchéité.

1860 : pont et passerelle Eiffel

Les voyageurs venant de Paris devaient passer à pied, sur le pont de pierre et payer l’octroi pour rejoindre le centre ville, rive gauche car ils arrivaient en gare d’Orléans rive droite. Gustave Eiffel, 26 ans, ingénieur, pour son premier emploi, participe à la construction du pont ferroviaire reliant les deux rives. Enchainement de décision, financement, calculs, dessins, maquettes, essais, ancrages, coffrages, exécution, mise en fonction, maintenance, c’est le travail de l’ingénieur. Magicien du fer, il comprit très vite l’intérêt de ce matériau employé dans les ouvrages d’art. L’acier augmentait les portées, résistant à la traction, il permit la forme du pont-poutre avec seulement 12 piles à 33 m de profondeur, remplies de béton et des travées de 77 m de long. Une passerelle pour les piétons était accolée mais trop dangereuse, elle a été fermée. C’est un pont arachnéen, les pleins laissent la place au vide, des croix de Saint-André laissent voir le paysage. Les éléments sont assemblés et amenés sur place pour un moindre coût et, comme les fils des araignées, sont très solides et résistants.

 

1910 : pont transbordeur

Il devait être le plus grand au monde et le tablier de roulement à 45m au dessus de l’eau ! Il devait permettre le passage de piétons, voitures, wagons, pour une charge maximum de 50 tonnes, sur la plate-forme suspendue, se déplaçant au raz de l’eau. La traversée devait durer seulement deux minutes. Les deux pylônes métalliques étaient terminés avant la première guerre mondiale, mais les travaux furent interrompus. Les allemands, pendant la seconde guerre, les ont détruits, il ne reste que les deux piles en pierre, rive droite, en face du hangar 14. Les travaux n’ont pas repris, les ponts transbordeurs n’étant plus à la mode. On peut voir encore celui de Rochefort.

 

1960 : pont Saint-Jean

Il aura fallu attendre plus de cent ans pour voir le second pont routier ! Sa construction a été rapide et sans histoire, l’architecture est classique en béton armé. Il relie le quartier de la gare du même nom à la Benauge et Floirac.

 

1967 : pont d’Aquitaine, le grand pont

C’était le plus grand pont de France au moment de la décision. Il est visible de très loin car très haut au-dessus de l’eau pour permettre le passage des grands voiliers ou bateaux de croisière. Il relie le quartier du lac, Lormont et l’autoroute vers Paris. C’est un pont suspendu qui, à son époque, semblait disproportionné, mais trente ans après, il deviendra trop étroit. En 2000, il subit une restauration. Les câbles qui maintenaient la structure avaient rouillé. Ils ont dû être changés, la circulation interrompue, ce qui provoqua de mémorables embouteillages.

 

1992 : pont d’Arcins ou pont François Mitterrand

Il portait le nom de l’île toute proche quand le président de la République l’a inauguré : on l’a appelé pont François Mitterrand. Il franchit la Garonne au sud de Bordeaux, il se présente en biais par rapport au fleuve, ce qui fait qu’il est plus long que les autres ponts, il mesure 642 m. Il est large de 14m, possède trois voies de circulation dans chaque sens et permet le contournement de l’agglomération bordelaise, raccourcit les itinéraires pour les usagers venant de Paris et se rendant à Toulouse ou en Espagne. Il a six paires de piles et cinq travées de longueur différentes, en béton. Une caractéristique : les deux parties gauche et droite correspondant au deux sens de circulation ne se rejoignent pas au centre. Ce n’est pas visible lorsqu’on roule dessus. Si on se place au dessous, une ligne bleue indique cette particularité.

 

2002 : pont Garonne

C’est le nouveau pont ferroviaire qui remplace le pont Eiffel. Il devait être détruit après le raccordement en 2010. Mais il est classé monument historique. Trois ponts se retrouvent côte à côte, Saint-Jean, Garonne et Eiffel.

 

2012 : pont Bacalan-Bastide ou BA-BA

C’est encore une prouesse technique et innovante. Ce sera l’un des plus grands ponts levant d’Europe. Un système de levage à quatre pylônes de 77 m de haut, au-dessus du niveau des plus hautes eaux de la Garonne. Une travée de 117  m de long. En position haute, le pont sera à 53 m au-dessus de l’eau, permettant le passage de grands voiliers et paquebots venant de l’estuaire. Ce pont mobile fonctionnera comme un ascenseur, avec un système de câbles et poulies animées par des contrepoids. Le futur pont levant s’adressera à tous les usagers. Le tablier central supportera les voies automobiles et celles réservées aux transports en commun bus et tramway, les passerelles latérales, séparées et protégées seront pour les piétons, vélos et rollers. Pour suivre l’avancement des travaux, vous pouvez vous connecter à www.cap-sciences.net ou www.lacub.fr, rubrique « les grands projets ».Vous pouvez donner vos idées pour trouver un nom original à cet ouvrage dont la prouesse technologique sera une manifestation d’excellence pour Bordeaux et la CUB.

Le retard pris par la ville pour se doter de nombreux ponts montre le caractère indépendant de ses habitants.

Pierrette Guillot

 

Sources : H 20- La revue des sciences et de l’industrie en Aquitaine- Les dessous des ponts

L’art des Ponts- Michel Serres- édition Le Pommier