Feux et flammes

14 juillet à Bordeaux
14 juillet à Bordeaux


 Feux d'artifice, feux artificiels, ni la flamme de l'âtre, ni l'orage. Que sont-ils? D'où viennent-ils?

 

La chine mystérieuse et le peuple des fils du soleil semblent bien avoir découvert la poudre noire et fabriqué des pétards dès le VIIIe siècle. Marco Polo, dans ses fabuleux voyages en aurait rapporté le secret. Mais on parle aussi d'un moine allemand du XIIIe ou d'un anglais détenteur de la formule magique. Le rêve c'est le rêve, la magie la magie.

 

Feux de guerre, feux de prestige

Un peu de poudre noire, du salpêtre, du charbon de bois, le tout bien calfeutré, quoi de plus facile ? Une étincelle et c'est la détonation. Étonnant ? Un bruit aussi soudain et inexpliqué peut faire rire ou pleurer. Cette réaction a deux effets : propulser un objet et créer la lumière. Deux fonctions possibles donc : elle remplacera l'arc et autres armes, elle sera outil de destruction, de peur et de curiosité mais à la fin du combat elle animera les moments d'après victoire en émerveillant les yeux des belligérants. Les feux d'artifice sont nés. Colorés avec des poudres métalliques, ils vont arriver sur scène pour simuler les feux de l'enfer et même sur les tables pour ébahir les convives. En 1612, le premier grand spectacle est tiré pour le mariage de Louis XIII, désormais les feux d'artifice vont devenir symbole de prestige et de victoire. Prestige certes, il suffit d'évoquer ceux donnés par Louis XIV dans les jardins de Versailles ou ceux de Fouquet au château de Vaux-le-Vicomte dont le roi fut si jaloux qu'il embastilla le surintendant. À vouloir frôler le soleil, on se brûle les ailes, d'autres en ont fait la triste expérience. Et le fameux spectacle pyrotechnique de Louis XV dont son grand argentier dit seulement qu'il était « impayable » et pour cause...Les caisses de l'État étaient vides. Les gens se sont assagis mais ces féeries restent les symboles de la fête et de la commémoration.

Depuis 1880, tous les ciels de notre pays s'illuminent de belles bleus, de belles blanches, de belles rouges, les soirs de 14 juillet.

 

La grande alchimie

Celui qui élabore les feux d'artifice se nomme le pyrotechnicien. Rien à voir avec les pyromanes, bien au contraire. Patrick Auzier que L'Observatoire a rencontré est le maître alchimiste des feux. Il ne cherche ni la pierre philosophale, ni l'or, il ressent, il exprime, il donne à voir et à entendre. Son alchimie à lui, c'est l'osmose du son, de la flamme et de la pyrotechnie. Débarqué presque par hasard dans le monde du spectacle, Patrick y a fait un peu tous les métiers avec la même conviction. « Je suis un polyvaillant », se plaît-il à dire malicieusement. « J'ai appris en cachette à jouer du tuba puis du trombone et plus tard j'ai eu la chance de monter sur scène avec les grands. » Technicien du cinéma au Burkina-Faso, il eut un jour à allumer un feu sur le plateau. Patrick avait toujours aimé les pétards, il emprunta de la poudre à l'armée locale, rassembla des bois secs et illumina le plateau. Sa grande passion était née. Depuis il cherche toujours à surprendre et à se surprendre : « Élaborer un feu d'artifice représente des mois de travail mais avec du désir on peut tout faire. Ce n'est pas une question de moyens mais de motivation. Ce que j'aime c'est travailler avec des jeunes, essayer de leur faire partager ma joie de créer, transmettre en somme ce que j'ai appris. » Les feux d'artifice de Patrick lui sont propres, mariant le plus souvent feu naturel et feux artificiels. Les couleurs qu'il préfère, les ors, les argents ou les blancs se mêlent aux flammes comme à Loupiac lorsqu'il embrase la colline, ou à Bazas quand les habitants ont cru entendre les musiques célestes en voyant leur cathédrale inondée de lumière. Les flammes dansent sur les notes de son trombone enjôleur, la réalité s'envole, les fusées ricochent, s'incurvent, deviennent boules de feu ou figures géométriques, vous êtes dans le rêve et pourtant c'est la réalité. Patrick et ses illuminations, c'est Baudelaire et ses voyelles irisées, Nougaro et sa langue qui sonne, Gainsbourg ses rythmes et ses mots, c'est tout cela et c'est lui le magicien du feu.

Feux d'artifice de l'enfance, feux d'artifice d'aujourd'hui, simples ou sophistiqués, étonnants ou traditionnels, ils restent pour tous des moments magiques.

Dany Guillon