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Zinc

Un zinc, en argot, ce peut être un appareil métallique, un avion ou un comptoir de bar .

La matière constitue le point commun de ces significations, le zinc étant couramment employé pour fabriquer ces objets au début du 20e siècle.

 

C'est par métonymie* que se diversifie le champ sémantique du zinc : de métal, il devient le comptoir lui-même fait en zinc puis par glissement, la boisson qu'on y sert dans l'expression rare et ancienne « tomber un zinc », pour désigner enfin l'endroit où l'on sert cette boisson.

Ainsi, on pourrait dire « allons tomber un zinc sur le zinc du zinc » pour « allons boire un verre sur le comptoir du bistro. »


Le comptoir

C'est d'abord la table longue en bois où l'on étale et débite la marchandise avant d'être la table élevée sur laquelle on sert les consommations chez le marchand de vin puis au café. Les comptoirs seront ensuite en zinc puis en étain alimentaire tout en gardant leur nom de zinc.

Ils deviennent rares dans les bars actuels mais sont toujours fabriqués pour des établissements haut de gamme par des artisans comme « Au vieux zinc », les Ateliers Nectoux ou L'Etainier tourangeau .Cette entreprise s'adresse aussi aux particuliers « on ne dira jamais assez à quel point l'ambiance qui se crée autour d'un comptoir – surtout s'il a la sensualité de l'étain – a quelque chose d'unique. C'est cette façon d'être en société où l'esprit est comme le corps, debout et affûté par une petite dégustation ou une grande conversation. » Attention quand même de ne pas finir pilier de bar avec un « durillon de comptoir ! ») Les collectionneurs se fournissent dans les brocantes, au Silo Rouge par exemple où l'on entend « nous avons tous le fantasme du bistrot, le zinc comme on dit, ces endroits populaires et chaleureux, tous matérialisés par un meuble, le comptoir. »

Mais l'évoquer peut aussi être dramatique, dans le monde de J.Prévert « il est terrible le petit bruit de l'oeuf dur cassé sur un comptoir d'étain il est terrible quand il remue dans la mémoire de l'homme qui a faim. »



Le bistro

Qu'on l'appelle zinc, troquet, estaminet ou « mine à poivre » comme Zola dans L'assommoir, c'est un lieu « où le quotidien s'égrène doucement à la cadence de l'horloge biologique d'un quartier, du café des petits matins au dernier verre du soir » F Thomazeau « Au vrai zinc parisien »)

Il a inspiré écrivains, peintres et cinéastes. Au siècle des Lumières, c'est là que mitonnent puis bouillonnent les idées révolutionnaires, Diderot, Rousseau fréquentent les cafés. Balzac y trouve ses personnages. Courteline en fait son poste d'observation et son cabinet de travail. Queneau y célèbre « la fée verte », « Je comparerai volontiers l'absinthe à la montgolfière, elle élève l'esprit comme le ballon la nacelle. »

Antoine Blondin y offre « des verres de contact »...Léo Malet, nostalgique de ses amis surréalistes et de leurs cafés, les intègre dans « la nuit de St germain des Prés »...

Les peintres y trouvent des décors originaux et des modèles hauts en couleur car « la sociabilité la plus innée y fraye avec la solitude la plus profonde. Quand on aime peindre les humains, ce sont des endroits incontournables qui permettent un voyeurisme gentil »(V.Bonifassi).

Michel Audiard y peaufine des répliques inoubliables « Je suis ancien combattant, militant socialiste et bistrot. C'est dire si dans ma vie, j'en ai entendu des conneries ! »


Brèves de comptoir

Le zinc est aussi un forum d'expression populaire « s'il n'y a pas de café, où est ce qu'on gueule ? »dit Jean Marie Gourio qui ajoute « si on veut avoir une image assez juste de la société française, le vrai panel est au comptoir avec son lot habituel d'optimistes, de déprimés, de petits malins, de paumés et de têtes de con. »

C'est aussi un espace de créativité linguistique. En attestent, pour désigner les boissons, quelques « appellations non contrôlées mais authentiquement bâties sur le zinc » : cardinal, communard, cosaque, tango et autres soupe de pois, fond de culotte et singe à l'eau !

Les habitués accoudés au comptoir  passent leur temps à commenter l'actualité ou la météo à leur manière et à refaire le monde. J.M Gourio fait son miel de ces indignations comiques dans ses Brèves de comptoir. Il y rassemble depuis 20 ans des citations authentiques recueillies autour du zinc. C'est un énorme succès car chacun s'y retrouve ou reconnaît son voisin dans cette création collective sans prétention où l'on rit des travers des autres et de l'incohérence du monde.

Absurde, poésie, humour, actualité, philosophie s'y côtoient .Un petit échantillon ?

« Ma femme peut pas m'quitter, j'suis jamais là ! »

« Maintenant, quand on entend des oiseaux siffler, on se dit que c'est un portable qui sonne ! »

« J'achète rien de fabriqué par les enfants du tiers -monde, ça casse tout de suite ! »

À consommer sans modération... 

*métonymie : figure de rhétorique

procédé par lequel un concept est nommé par un autre concept qui lui est attaché par une relation nécessaire (l'effet par la cause, le contenu par le contenant, le tout par la partie…)

                      Claudine Bonnetaud

 *métonymie : figure de rhétorique