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Numérique

Le numérique ? Ne pas s'en faire un monde ! Mais l'écran va-t-il définitivement ét(r)eint la page blanche ?

 

Les mondes numériques modifient notre façon de voir le monde et notre relation aux autres. Un nouveau monde s'oppose-t-il à un vieux monde ? interroge Serge Tisseron, psychiatre. Nous vivons une transformation de nos cultures auxquelles nous appartenons en fonction de notre éducation, notre génération, notre milieu social, nos valeurs.

 

Culture numérique

La culture numérique, c'est la transformation des visions du monde produite par la diffusion des technologies digitales.

La culture numérique est une culture adolescente. Les créateurs, inventeurs, bidouilleurs de génie sont des jeunes en sweat, jeans, baskets, le cheveu en pétard. Devenus adultes ils arborent le même look, de véritables adulescents. Un langage commun se crée : Hashtag, tweet, Facebook, web font désormais partie de notre vocabulaire.

 

Photo de D. Scherwin-White

Natif ou migrant

Un natif numérique ou digiborigéne est une personne  ayant grandi dans un environnement numérique comme celui des ordinateurs, de l'internet, des téléphones mobiles ou des baladeurs MP3. Un migrant numérique est un individu ayant grandi hors d'un environnement numérique et l'ayant adopté plus tard. Alors, natif ou migrant ? Histoire de génération ou/et d'adaptation.

Lors d'une conférence dont le thème était « Adolescence et mondes numériques », le conférencier, psychologue et geek, s'adresse au public (trois cent personnes) :

Qui possède un smartphone ? Unanimité de bras levés !

Qui a un compte Facebook ? Qui a un accès twitter ? Une cinquantaine de personnes se manifeste.

Alors, continue-t-il, allez-y, vous pouvez tweeter pendant ma conférence. Jusque-là habitués à fermer nos portables ou à les mettre sur mode discret ou vibreur, voilà une invitation à les laisser fonctionner et communiquer avec des personnes extérieures. Passage de la situation « la mettre en veilleuse » à un appel à rester éveillés, voire réveillés, passage de la discrétion et du respect à une mise en commun, un échange, un système interactif. C'est cet état de veille permanente qui est recherché, cette tension-excitation d'être en relation avec le monde, avoir la primeur de l'information, être branché, connecté, réactif mais aussi pouvoir créer du collectif. Dans le dispositif Facebook, chacun est au centre de sa communauté. Alors, natif ou migrant ?

« Les mondes numériques sont un véritable vivier de créativité et d'imagination » note Yann Leroux, psychologue clinicien : «  Chaque minute, 72 h de vidéo sont ajoutées à YouTube, sur Facebook, 250 000 images nouvelles. » Ce sont de nouveaux territoires d'improvisation, d'invention. Chacun peut se fabriquer les identités qu'il veut.

 

Et la presse ?

Les quotidiens de la presse ne s'y trompent pas, ils proposent à leurs lecteurs, pour l'information, des versions numérique et papier, certains ayant franchi le pas du « tout numérique ». Demain, les journalistes devront travailler avec les données du web, vérifier les informations diffusées, animer des réseaux sociaux, distinguer une image truquée d'une vraie photo. La photo se désacralise : là où elle était l'expression du réel, on sait qu'elle peut être retouchée, fabriquée bien que participant à la culture de partage des images.

 Tout ne peut  pas être exposé aux yeux du public. Dans un article récent paru dans la revue Enfances et cultures, Johann Chaullet, sociologue, note que, concernant les pratiques des réseaux sociaux chez les préadolescents, les livres plaisir, les livres pour soi ne font pas l'objet d'une circulation dans l'arène des TIC (Techniques d'Information et de Communication). C'est le livre et le partage de la lecture qui deviennent le lieu de l'intime, du secret partagé. Le livre a encore un avenir dans un monde où le droit à cacher passe par le droit à montrer.

Soyez vigilants, dans un coin de votre garage, vos adolescents(es) sont peut-être en train d'inventer un monde nouveau !

 

Jean-Louis Deysson