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Journaliste

Correspondante de presse, la réalisation d'un rêve de jeunesse.

 

Durant mon adolescence, j'envisageais de devenir journaliste...Las ! Sous l'influence de mes parents, j'ai intégré les Hussards noirs de la République et vécu une carrière heureuse.

Mais la vie réserve des surprises : un demi-siècle plus tard, afin d'échapper à une solitude morose, je me présentai à la rédaction du Républicain* où l'on me confia le secteur du Vallon de l'Artolie, région vallonnée surplombant la Garonne.

On n'oublie jamais sa « première fois »... C'était une fête de village : dans une salle bondée, une foule gesticulante dansait sur les tables au rythme d'une fanfare landaise. La bourgade se nomme Paillet.

Moi qui ne souhaitais pas une retraite « pantoufles-télé », je suis servie ! Cet emploi nécessite disponibilité totale, curiosité insatiable, empathie et tolérance.

Photos d'Any Manuel

Une vie de retraitée

De conseiller général en prêtre ou cardinal, j'ai appris à m'infiltrer partout, avec plus ou moins de bonheur (dire mon père ou frère à un homme m'est toujours difficile (ils ne sont pas de ma famille, que diable !). Je parcours la région de long en large, de jour, de nuit (le village le plus lointain se trouve distant de 16 km), subissant de longs discours sous un soleil de plomb ou pataugeant dans la boue. J'admire les mascarets, m'implique dans les manifestations, applaudis un duo international ou des chanteurs de rock débraillés, analyse conseils municipaux et communautaires, me lève à l'aube pour des pèlerinages ou des randonnées. Et je photographie, inlassablement, envoyant mes photos à ceux qui, au fil du temps, deviennent des amis.

Récitals et festivals, expositions, commémorations et inaugurations, histoire et patrimoine, interviews et enquêtes. Et des poussées d'adrénaline ! En voiture de course, casquée et harnachée, en jeep des années 40 pour un défilé militaire, à bord d'une gabarre sous le pont Chaban-Delmas, en hélicoptère au-dessus des vignes, sur un hors-bord...

 

De maladresses en belles rencontres

Mon étourderie est légendaire. Je ne compte plus les chutes, les gaffes, les réactions amusées ou les pétrins dans lesquels j'ai l'art de me mettre... du monsieur ravi de me recevoir dans ses bras quand je tombe d'une chaise au regard étonné des gaillards du club de hand où j'accours grimée par des gamins dont j'avais auparavant partagé un atelier médiéval. De mon métier d'instit, j'ai gardé une préférence pour les enfants.

Il m'arrive d'enchaîner trois ou quatre reportages, terminant ma journée à une heure avancée de la nuit, oubliant de dîner, m'épuisant. Embrassades, belles rencontres, moments de liesse ou de tristesse. C'est le doyen dont la mort m'affecte, c'est mon secteur enseveli dans la boue, « mes » villages où je patauge dans une vase gluante, démunie parmi les habitants affolés. Derrière les images de Paillet dévasté, j'ai découvert l'horreur et la solidarité.

Et la politique ! Les élections, les rivalités... Mon secteur s'est élargi à Cadillac, un nouveau souci. Un retour aux urnes s'impose, me voici jetée dans l'arène, au sein d'un combat qui s'annonce impitoyable.

Soyons optimiste ! En janvier, tout sera terminé et j'aborderai le mois le plus dur : celui des vœux, un véritable marathon ! Avec 11 communes, deux communautés de communes et quelques associations, que de discours en perspectives, de pots amicaux ratés n’ayant pas le temps de m'attarder.

Une année commencée dans l'agitation, les occasions de « faire toilette », n'est-ce pas la panacée pour une retraitée désireuse de s'enrichir intellectuellement ? Oui, même si ce journal me pèse parfois, il apporte tant de piment dans ma vie que je continue à le servir avec passion.


Any Manuel


*Le Républicain du Sud-Gironde, créé en 1944, 7e hebdomadaire français, à cheval sur les départements de la Gironde et du Lot-et-Garonne, titre à 23 000 exemplaires, emploie 27 salariés et 50 correspondants.