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Fabrication

Imprimerie du Quai de Brazza du journal Sud Ouest à Bordeaux

Comme chaque matin, ils sont nombreux à acheter au kiosque leur quotidien. D’autres préfèrent le faire livrer à domicile et le lire tout en petit-déjeunant.

 

Lecteur assidu de la presse, Jean, comme de nombreuses personnes, ne s’est pas véritablement posé de questions quant à la fabrication des journaux qu’il lit.

 

Un dispositif bien rodé

Son Sud Ouest est arrivé vers 6 heures au kiosque. Il a quitté l’imprimerie du quai de Brazza[1] au milieu de la nuit. C’est le fruit d’un cycle bien rodé. Il a débuté la veille par le travail des 295 journalistes de la rédaction, installés dans des locaux spacieux quai de Queyries[2]. Ils rédigent les articles qui vont constituer les pages des 22 éditions. Dans la soirée, les serveurs informatiques de la rédaction les transmettent à ceux de l’imprimerie. Commence alors un ballet bien réglé : réalisation des plaques qui reproduisent les pages ; elles sont ensuite mises en place sur les rouleaux des rotatives qui démarrent, d’abord lentement pour permettre la finalisation des réglages afin d’obtenir des couleurs bien superposées. Puis, les rotatives tournent à pleine vitesse, dans un bruit assourdissant. L’impression des 320 000 exemplaires est lancée. À leur sortie, un tri automatique est opéré en fonction des éditions et des destinations, les journaux sont empaquetés et expédiés par 36 camions vers les 4 300 points de vente de huit départements du grand Sud-Ouest.

 

Sources variées

Pour tous les journaux, qu’ils soient généralistes ou spécialisés, régionaux ou nationaux, ce processus est approximativement le même. Mais tous ne peuvent exister que si les journalistes obtiennent des informations et qu’ils les traitent.

Les journalistes reçoivent journellement de nombreux communiqués et dossiers de presse. Ils sont conviés fréquemment à des conférences et à des visites d’entreprises pour certains ou encore à des voyages... Sans oublier les contacts institutionnels : mairie, police, pompiers… et le simple citoyen. Mais toutes ces sources n’ont pas la même importance. Elles ne sont pas approchées, ni traitées de la même façon. Les journalistes ne peuvent pas tout exploiter, seul leur intérêt pour le lecteur doit guider leur choix. Sélection faite, le journaliste se met au travail.

Le communiqué, qui ne donne qu’une seule information, est souvent repris en totalité. Contrairement à ce dernier, les autres sources offrent une somme de données permettant de faire le tour d’une question. Elles sont présumées exactes et validées. Elles peuvent donner rapidement naissance à un article ou venir compléter les connaissances et nourrir la réflexion dans le cadre d’un sujet plus vaste. Leurs auteurs ne voyant pas d’inconvénient à être cités, bien au contraire pour certains. Mais, il n’en est pas toujours de même lors d’entretiens avec une personnalité politique, un syndicaliste, un responsable économique…

 

Le off

Le off couvre ces propos tenus aux journalistes, sous le sceau du secret, pour qu’ils aient une meilleure connaissance de tel ou tel dossier ou encore pour tester une idée. Étant entendu que les personnalités ne doivent pas être citées. Des affaires récentes montrent qu’il en est ainsi de moins en moins : le secret n’est plus de mise.

Certains politiques manient le off avec maestria. D’autres, moins aguerris, se font prendre à leur propre jeu. Mais la seule question qui vaille est « Le lecteur en retire-t-il un bénéfice ? »

Laurent Joffrin, dans un édito de Libération du 15 novembre dernier, y répond : « Le off est un instrument banal et immémorial du métier d’informer […]. On peut en faire un bon usage ou un mauvais. Pour être légitime, il suppose recoupement, vérification, preuve, ce qui n’est pas toujours le cas. Mais on ne peut s’en passer. […]. Sans off, le monde politique serait protégé par une parole formatée, façonnée par les experts en communication.

On dit que ceux qui parlent anonymement sont des médisants. Peut-être. Mais les langues de vipères sont aussi une arme contre la langue de bois. »

 

Roger Peuron



[1] La fabrique de Sud Ouest, Marie Depecker, journal # 82

[2] Bienvenue à Sud Ouest, Pierrette Guillot,dans  rubriques sur le site