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Dorsemaine (Xavier)

Sa silhouette surmontée de son inséparable borsalino est désormais familière aux Bordelais car il bat inlassablement  le pavé en quête de thèmes porteurs pour le journal Sud Ouest.



Correspondant local dans les quartiers Fondaudège et Bastide, chroniqueur, écrivain, Xavier Dorsemaine, 57 ans, semble avoir traversé plusieurs vies, l'une d'entre elles dominée par une addiction à l'alcool vaincue aux tous premiers jours de 2010.

 

Les vaches maigres

Enfant de Carbon-Blanc, scolarisé à La Bastide, vieux quartier tombé en désuétude, le petit Xavier baigne dans le football et la littérature. Élève instit dans une école maternelle, sa relation privilégiée avec les bambins lui fera regretter de ne pas avoir persévéré dans l'Éducation Nationale. Son côté festayre n'est pas un gage de stabilité, il se disperse dans de petits boulots, vend des encyclopédies Hachette, se souvient de temps à autre qu'il a un bac littéraire, écrit des petits papiers pour Jean-François Mézergues. Il croit toujours en l'avenir, curieux et imaginatif, cet amoureux viscéral de Bordeaux crée l'association Chartrorama et son organe Chartrons-Magazine qui développe la vie du quartier. Et puis Xavier lance Épinard, la crème des feuilles de choux, revue satirique dont 28 numéros sont diffusés avec la complicité de quelques étudiants, il subsiste alors grâce au RMI. Opiniâtre, il monte sa maison d'édition, projet ambitieux, mais très vite les huissiers traquent le piètre gestionnaire, c'est la liquidation judiciaire.

Sa passion pour Bordeaux est intacte, il décide de se faire le chantre de ses quartiers dans Gasconame, sillonne les rues, démarche les commerçants, la pub fait vivre son journal, la vingtaine de numéros sortis le renforce dans son inébranlable conviction, il peut devenir journaliste.

 

 Place Charles Gruet, quartier Fondaudège (D. Scherwin-White)

Le déclic

Quelques signes du destin justifient cette confiance, des rencontres fortuites avec Patrick Venries et Dominique de Laage, une demande inattendue de Yves Harté, l'écriture d'un papier, Un jour en Charente, sur le chauffeur de François Mitterand, paru dans Sud Ouest dimanche, il provoque le coup de cœur de Jérôme Garcin du Masque et la plume, va-t-il enfin pénétrer dans ce monde de l'information ?

En 2005, Xavier écrit, en une nuit, un intéressant recueil de poèmes Dans un silence de noix de coco, le 2 novembre, il est nommé correspondant dans le quartier Fondaudège.

Qu'importe si la fonction n'est pas rémunératrice (12€ pour une info courante, 3,20 € pour une photo), il habite le quartier, connaît les riverains. Très vite, le vif débat engendré par la prochaine arrivée du tram alimente ses articles qui débordent du cadre local, il devient pigiste.

Tout s'enchaîne, fin 2009, il prend les commandes du quartier La Bastide et découvre le domaine des chroniques où il a carte blanche. Benoit Lasserre lui confie Portraits de famille, des rencontres avec des grandes familles bordelaises qui transmettent leurs métiers à travers les générations, suivront Les collectionneurs et Mémoire de Stade.

En janvier 2010, sa vie privée est bouleversée, il divorce avec l'alcool et renoue avec son amour de jeunesse, la néerlandaise Malou. Sa lutte contre l'addiction est terrible mais il retrouve sa dignité et porte un regard lucide sur la vie. C'est le thème  de son ouvrage Le pyjama noir, sorti en 2014. Et après France Bleue, la Machine à lire et Sud Ouest bien sûr, il le présentera au Salon littéraire de Blaye en décembre.

Transcendé par l'accueil favorable, il écrit actuellement la suite de cet émouvant témoignage. Sans forfanterie, Xavier réalise que les qualités requises pour être journaliste, curiosité, culture générale, empathie, style, il les possède.

Fin 2013, on lui remet sa carte de presse, ce précieux sésame, son Graal personnel, son rêve se réalise.

Infatigable, il attaque des nouvelles chroniques Au fil de la Garonne où il brosse les portraits de personnages attachés profondément au fleuve.

Ces multiples activités ne l'empêchent pas de bloguer, il alimente régulièrement le Bordo de Dorso.

Un peu de talent et beaucoup d'énergie, voilà comment il définit son parcours du combattant.

Aujourd'hui, c'est bien le journaliste Xavier Dorsemaine, apaisé et serein qui, du quai de Queyries, contemple la façade monumentale des quais de Bordeaux.

Claude Mazhoud