Ailleurs autrement

En dépit des limites imposées par leur handicap, les personnes à mobilité réduite ont la possibilité de changer d’environnement et d’habitudes.

 

En ce début d’après-midi, Coralie, 55 ans, atteinte d’infirmité motrice cérébrale et tétraplégique, nous reçoit dans sa chambre de la MAS* de Tresses.

Immobilisée sur son appareil verticalisateur, totalement dépendante, elle utilise l’expressivité du regard pour désigner sur un cahier de communication les pictogrammes qui vont servir de supports à notre conversation.

 

Besoin de faire un break

Pour nous faire comprendre son contexte et ses motivations, Coralie nous indique une série de pictogrammes décrivant ses centres d’intérêt habituels : aller en ville avec son groupe, visiter des musées, participer à des ateliers dans son établissement, écouter de la musique dans sa chambre, etc.

 

Elle dirige également notre attention sur des graphismes explicitant son besoin ponctuel d’aller voir ailleurs, de faire un break avec le quotidien,    

d’expérimenter d’autres terrains de rencontres et d’activités.               Pictogrammes : partir, vacances

Pour y parvenir, Coralie a exprimé son projet à ses accompagnants qui l’ont aidée à le réaliser ; au fil des semaines, la démarche a pris corps jusqu’à la validation finale. Puis l’équipe s’est coordonnée pour activer les réseaux de partenariat déjà existants avec d’autres établissements de même agrément et situés dans la zone géographique choisie par Coralie (à proximité de Lourdes). Enfin, il a fallu trouver dans ces lieux de vie une personne intéressée par la formule d’un échange et présentant les mêmes caractéristiques de prise en charge qu’elle. Une fois cosignée la convention d’échange et de coopération entre les deux structures accueillantes et la bénéficiaire et finalisées les modalités pratiques du transfert (documents administratifs, protocoles de soins et de traitements, assurances, transport) Coralie a finalement pris la route pour une dizaine de jours. De retour depuis peu à Tresses, son regard exprime mille joies que les pictogrammes ne sauront traduire.

 

Dépasser les contraintes

La formule de l’échange constitue un réel moyen diversifié d’accompagnement et de prise en charge des personnes handicapées. À en écouter les acteurs, on perçoit vite les atouts générés par sa mise en œuvre, même occasionnelle. En effet, pour les bénéficiaires, c’est la promesse et l’opportunité d’un « ailleurs autrement » dans des lieux d’accueil agréés, dotés d’un personnel qualifié, pourvus d’activités adaptées, sécurisées et, le cas échéant, nouvelles et inattendues (pour Coralie, la découverte de l’univers montagnard) ; c’est aussi l’occasion de tisser d’autres liens, de se montrer ou de se découvrir sous un autre jour dans un contexte relationnel nouveau. Côté financier, c’est un séjour à coût zéro pour chaque résident, dans la mesure où la convention stipule la qualification d’échange de personnes. Pour les accompagnants, c’est également une façon de travailler en synergie avec les homologues d’autres structures spécialisées identiques, d’échanger autour d’approches professionnelles concordantes ou non, de faire le point sur des observations éventuelles concernant les personnes ayant réalisé l’échange, d’élargir leurs domaines de compétences. Cependant, il nous a semblé que la dynamique des échanges vit et perdure grâce à une volonté, palpable chez tous, de dépasser les contraintes de toutes sortes liées au handicap, au profit de solutions alternatives souples, individualisées, et les plus proches possible de la normalité. En témoigne la ténacité de Coralie, réussissant à réaliser son double objectif : effectuer un échange dans les Pyrénées et visiter la cité mariale. N’est-ce pas là aussi une belle déclinaison des attendus de la loi du 11/02/05** portant sur l’égalité des droits et des chances en faveur des personnes handicapées ?

 

Dominique Hilloulin

 

*Maison d’accueil spécialisée (établissement médico-social) Association girondine des infirmes moteur cérébraux 35, chemin Comtesse 33370 Tresses

**Loi N° 2005-105