Itinérances

D'étranges véhicules sillonnent les campagnes et font escale dans les fermes et les villages. De quoi sont-ils les messagers ?

 

La voiture pour tous et le supermarché ont tué le commerce ambulant. Chacun achète sa baguette au retour du travail dans un fournil doté d'un vaste parking et rentre à la maison. Finies les tournées du boulanger et du boucher qui permettaient aux isolés de tailler une petite bavette. Ils ont bien un congélateur mais pour la rigolade, ce n'est pas ça...

Alors, dans les campagnes, certains se sont émus de cette restriction des échanges. Ils ont cherché, par une nouvelle forme de proximité, à recréer du lien entre les gens et même à améliorer le sort des animaux.

Trois exemples de mobilité au service d'un art de vivre ou de mourir...

 

La Baraque à Frat'

La Haute-Loire est un département rural au paysage de plateaux et de gorges et à l'habitat éclaté en villages et hameaux.

Les personnes âgées y sont souvent isolées et connaissent des difficultés de déplacement. Les jeunes partis, il n'y a pas de solidarité intergénérationnelle. Alors, au Puy-en-Velay, l'équipe de bénévoles des Petits Frères des Pauvres a pris une initiative originale : dans l'esprit des baraques à frites belges, ils ont aménagé un camping-car qui va sillonner les routes de Haute-Loire. Il s'agit d'aller à la rencontre de ceux qui ne peuvent se déplacer pour recréer du lien social. Le véhicule, sobre et convivial, aménagé avec deux pièces à vivre et un auvent pour les beaux jours sera un lieu de retrouvailles et d'animation où discuter autour d'un café. La Baraque à Frat', comme fraternité, est à la disposition d'associations, d'élus ou de citoyens qui lui réserveraient un accueil chaleureux.

 

Vive le BMU !

Le BMU est le Bar Mobile des Utopies. L'intitulé donne un petit air farfelu à un projet pourtant très structuré qui verra le jour en juin 2017 dans le sud du Roannais. Il est financé à hauteur de 13 000 € par des cityzestes et administré en SCIC (société coopérative d'intérêt collectif) par une dizaine de personnes aux compétences complémentaires engagées dans le tissu associatif. À quoi ressemble le BMU ? C'est un ensemble camion + remorque de 40 tonnes avec une triple vocation : épicerie, bar, espace scénique. Il s'agit de promouvoir le circuit court comme mode de consommation en proposant des produits locaux, bio et éthiques mais aussi de créer de la convivialité avec le bar et de permettre l'accès à la culture pour tous par l'utilisation de la scène pour des animations locales. Bien sûr, le BMU a la volonté de ne pas nuire aux services de proximité existants et établira le planning de ses déplacements avec les communes mais ses animateurs espèrent organiser une tournée hebdomadaire sur une dizaine de lieux regroupant 15 000 habitants !

 

Pour Le Bœuf Éthique

« Selon un sondage alarmant pour la filière d'élevage, 10 % des consommateurs sont prêts à arrêter de manger du bœuf à cause de la maltraitance animale, notamment au cours du transport en bétaillère jusqu'à l'abattoir. » déclare Emilie Jeannin, éleveuse de charolais, à la ferme de Lignières. Au retour d'un voyage en Scandinavie, elle est convertie au modèle suédois d'abattage des bovins : déplacer l'abattoir dans les exploitations et non les bêtes jusqu'à la tuerie.

« J'ai vu quelque chose de magnifique en termes de professionnalisme, de propreté et de respect de l'animal, dans une ambiance apaisée. L'abattoir s'installe chez l'éleveur, pas l'inverse. Cela transforme tous les rapports, entre l'éleveur et la bête, entre les bêtes, entre la bête et le consommateur. Nous devons transporter la viande, pas les animaux » milite Émilie.

Alors, en partenariat avec le groupement professionnel Le Bœuf Éthique, le premier abattoir mobile pour bovins en France sera mis en service dès juin en Bourgogne. Pour rentabiliser les deux camions, le travail des quatre ou cinq salariés et les prestations vétérinaires, il faudra trouver 400 clients dans un rayon de 300 km, un vrai pari économique et moral.

Et si la mobilité, facteur de proximité retrouvée, était un véritable enjeu du mieux-vivre ensemble ?

 

Claudine Bonnetaud

            Merci à :

            Carnets de campagne

            L'éveil de la Haute-Loire

            Le journal de Saône et Loire