Migration prénuptiale

Le retour des oiseaux migrateurs annonce le début du printemps.

 

L'hiver nous a quittés depuis quelques jours. Les conditions météorologiques ne sont pas des plus favorables. Pointe de Grave, commune du Verdon, L. 45° 34' 16" N, l. 1° 2' 45" O, altitude 4 m, bonnets vissés sur la tête, cirés détrempés, bottes aux pieds, mains dans des gants fourrés et indispensables jumelles en bandoulière, Étienne et Patrice scrutent le ciel lourd de nuages, à l'affut des passereaux. Compteur en main, les observateurs de la LPO* spoteront toute la journée dans le vent et les rafales de pluie pour relever les passages des oiseaux. En bas de la dune, les vagues de l'océan s'écrasent sur le rivage, au loin dans la brume, on aperçoit le phare de Cordouan et la cathédrale de Royan.

 

Passage obligé

À l'embouchure de l'Estuaire de la Gironde, l'effet entonnoir y concentre les oiseaux qui migrent le long de la côte venant d'Afrique et ceux qui, à l'intérieur, n'osent pas franchir le fleuve. Ces deux flux convergent vers la pointe de Grave pour s'élancer au-dessus des flots et poursuivre leur pérégrination vers l'Europe du Nord. En 2016, 460 000 oiseaux y ont été recensés, ce qui correspond à plus de 140 espèces différentes. Les hirondelles (120 000) et les martinets (100 000) représentent la majorité, mais on trouve aussi des pinsons, des canards, des pipits, etc. Que ne donnerait-on pas pour, comme cette journée du 7 mars, assister au passage de quelques vingt-sept mille pinsons des arbres, suivis de trois mille pipits farlouse en l'espace de deux heures ! Il en est ainsi dans le domaine de l'observation et du recensement. Un goéland survole le poste d'observation, une volée de moineaux, une vingtaine environ, se dirige vers le bout de la jetée. Réflexion faite, vue la météo, ils se posent et attendent de meilleurs auspices. Étienne les a enregistrés.

 

Migration

On appelle migrateurs « une espèce effectuant une migration saisonnière, passant la saison de reproduction et la saison hivernale dans deux régions distinctes selon un schéma répété. » Le mouvement migratoire prénuptial est déclenché par la conjugaison d'un phénomène biologique, la reproduction (hormonal) et chronologique (rallongement des jours). Les oiseaux quittent leur zone hivernale pour aller parader, copuler, pondre et couver, destination les pays du nord de l'Europe pour rejoindre leur résidence d'été. Les oisillons nés, certains reviendront avec leurs parents, d'autres feront très vite l'expérience de l'autonomie. Au fil du temps et du réchauffement climatique, on assiste à une sédentarisation de certaines espèces qui s'adaptent facilement à un nouvel environnement, par exemple en restant en Islande ou dans notre région durant l'hiver.

t paysagisme, bénévole, engoncé sous son poncho, a rejoint le groupe. Il s'intéresse à l'environnement, son évolution, ses habitants mais aussi le paysage et ses occupants, faune, insectes et oiseaux. Connaitre le milieu naturel avant d'envisager une intervention humaine. 

Comptage

Le site du Verdon existe depuis trente-quatre ans. Étienne et Patrice, salariés de la LPO* passent quatre mois sur le site, puis trois mois au col de Lizarrieta au Pays Basque pour recenser la migration postnuptiale à l'automne. C'est sur le terrain que l'on apprend à compter les oiseaux, visuellement, un par un, puis pour les grandes populations en reportant dans l'espace des groupes de dix, puis de cinquante, puis de cent, etc. Le comptage avec l'aide de photos s'est révélé assez proche du visuel. Mais le travail des spoteurs consiste aussi à repérer les espèces nouvelles, le changement des habitudes, l'occupation des espaces, les modes alimentaires, la sensibilisation aux équilibres écologiques, leurs mutations. En 1999, on recensait 38 000 tourterelles des bois dans le Médoc, en 2016, 5500 ! Hubert, étudiant en architecture et paysagisme, bénévole, engoncé sous son poncho, a rejoint le groupe. Il s'intéresse à l'environnement, son évolution, ses habitants mais aussi le paysage et ses occupants, faune, insectes et oiseaux. Connaitre le milieu naturel avant d'envisager une intervention humaine.

 

Au fil du temps, depuis le début mars, sont passés des milans noirs, un circaète Jean-le-Blanc, un barge à queue noire, un bruant des roseaux, un héron bihoreau, trois eider à duvet, une macreuse brune et un jeune goéland bourgmestre... Pour les rencontrer rendez-vous tous les jours à la Pointe de Grave, c'est gratuit !

 

Jean-Louis Deysson

* LPO : Ligue pour la protection des oiseaux jeanpaulurcun.lpo@9.fr