Aimer la poésie

La Librairie Olympique1, dans le quartier des Chartrons, fait de la promotion de l’art poétique sa principale raison d’exister.

 

Le Printemps des poètes, événement national, est fêté aux Chartrons depuis 18 ans. Quelques éditeurs, découragés devant la mévente de leurs publications dans les salons du livre généralistes, lancent un défi au libraire Jean-Paul Brussac : « Organise-nous quelque chose à Bordeaux et on viendra ». C’était en 1998 ! Commence alors l’aventure du Marché de la poésie2 avec l’Association culturelle du marché des Chartrons.

 

 

 

Au cœur des arts

 

En 2017, la manifestation s’est déployée du 4 au 12 mars avec un programme riche, varié, ouvert à tous les arts, parrainé par l’écrivaine Leïla Sebbar sur le thème D’Afriques et d’ailleurs : lectures publiques, performances théâtrales, spectacles poétiques et musicaux, des clowns qui improvisent, des éditeurs qui présentent leurs auteurs, des débats sur la place de la poésie dans la vie…Les disciplines se croisent et c’est l’occasion de belles rencontres humaines et littéraires sous la halle des Chartrons ou dans la librairie.

 

Grâce à l’équipe passionnée qui entoure Jean-Paul Brussac, en particulier Marie Gouzien et Meriem Martin-Benet, la manifestation est passée d’une audience confidentielle à un large public d’amateurs de poésie et de spectacles poétiques. Toute l’année, avec la Librairie Olympique, Marie et Meriem déploient une énergie formidable pour la préparer : demandes de subventions aux partenaires (CNL3, Région, Département, ville de Bordeaux…) contacts avec les éditeurs, auteurs, musées, bibliothèques…, préparation de la communication, alimentation du blog4 pour maintenir la flamme.

 

 

 

Des moments de grâce

 

Chaque année « on vit des temps très forts avec une écoute de grande qualité par exemple avec Charles Juliet, André Velter ou Patrick Deville, le voyageur qui enchante ses lecteurs et, depuis quelques années, le succès grandissant de la Scène ouverte récompense notre investissement », raconte Marie. « Pendant 3 minutes chacun, des amateurs viennent lire, chanter, slamer, déclamer leurs propres textes ou ceux de leurs poètes préférés. Chacun son style, chacun son goût. Les gens osent s’exprimer librement, c’est réjouissant. » Enfin cette fête de l’émotion réserve toujours de belles surprises. Ainsi en 2016, la comédienne Anne Alvaro, accompagnée d’un danseur et d’un musicien, a présenté un spectacle autour de textes de femmes amérindiennes. Magie de la transmission culturelle. Dans la librairie, sont organisées des lectures dans une ambiance intimiste. Cette année,  Marie Laugerie a enchanté son auditoire avec son recueil de poèmes Des ailes pour dire 5. Des mots qui s’emparent de nos rêves et de nos souffrances, de nos engagements et de nos pensées, des mots dans le désordre, des mots rythmés, des mots qui rient ou qui pleurent, c’est cela la poésie. « Ne laissez pas le monde vous voler les mots » clame le poète palestinien Mahmoud Darwich.

 

 

 

Un mur de poèmes

 

Jean-Paul Brussac a créé la Librairie Olympique en 1989 aux Chartrons, quartier complétement mort à l’époque, chais désertés par les négociants, logements insalubres. Et pourtant si proche du centre-ville. « Alors pourquoi pas ! » se dit-il. Les travaux de réhabilitation qui transforment peu à peu le quartier en village très animé et commerçant, lui font gagner son pari et sa librairie devient vite un lieu culturel, de complicité et d’échange. Pourquoi privilégier la poésie ? « Mes lectures de jeunesse, une rencontre avec un poète, mon souhait de séduire un certain public et l’insistance de quelques éditeurs à la recherche d’une vitrine m’ont convaincu de développer mon goût pour la poésie. » Depuis lors, la librairie a constitué un fond unique à Bordeaux, voire en France, fond coûteux que Jean-Paul Brussac finance avec la vente des autres livres qu’il choisit lui-même. Équilibre précaire mais il ne semble pas regretter son choix. Et le bouche à oreille fonctionne : auteurs, éditeurs et clients viennent de loin maintenant pour participer au Marché de la poésie des Chartrons.

 

Pour évoquer l’action de ce libraire, citons un vers de Pablo Neruda «  Je veux faire avec toi ce que le printemps fait avec les cerisiers »

 

Texte et photos de Marie Depecker

 

 

 

1 La Librairie Olympique 23 rue Rode 33300 Bordeaux

 

2 www.bordeaux-marche-de-la-poesie.fr

 

3 CNL Centre national du livre

 

4 blogolympique.blogspot.fr

 

5 Marie Laugerie Des ailes pour dire Éditions le Solitaire