L'Observatoire au bois dormant

Sur les hauteurs de Floirac, des femmes, des hommes et des étoiles.

La coupole gauche est le Grand équatorial et la bibliothèque de Suzanne Tresteir, celle du milieu est la Table équatoriale qui abrite le télescope optique de 60 cm de diamètre, celle tout à droite est l'équatorial photo qui abrite la lunette
La coupole gauche est le Grand équatorial et la bibliothèque de Suzanne Tresteir, celle du milieu est la Table équatoriale qui abrite le télescope optique de 60 cm de diamètre, celle tout à droite est l'équatorial photo qui abrite la lunette
Ancien radar Würzburg utilisé par l'armée allemande lors de la Seconde Guerre mondiale
Ancien radar Würzburg utilisé par l'armée allemande lors de la Seconde Guerre mondiale

 

Dans le cadre verdoyant des collines de Floirac, l’Observatoire de Bordeaux dresse ses coupoles désœuvrées. Elles ont permis aux astronomes d’observer l’univers pendant plus d’un siècle.

Rencontre avec Nathalie Brouillet, astronome adjointe au Laboratoire astrophysique de Bordeaux (LAB) sur le campus de Talence. Elle participe à un collectif au sein de l’Université qui mène une réflexion sur l’avenir du site.

 

L’Observatoire : Quelle est l’origine de ce site ?

— Nathalie Brouillet : Après la guerre de 1870, le gouvernement de l’époque fait le constat que la victoire allemande de Sedan est due à son avance technologique. Il décide alors d’investir dans la recherche, même si elle ne trouve pas d’applications immédiates. La création d’observatoires est l’une de ses priorités. Une succession de sites sont ainsi créés dont Floirac en 1878. George Rayet, jeune astronome bordelais, est le porteur de ce projet. La Mairie de Bordeaux et la Faculté des sciences achètent une propriété vinicole, dotée d’une maison de maître sur les hauteurs de Floirac. Outre l’observation des planètes, s’ajoutent à cette mission les observations météorologiques et la fourniture de l’heure, donnée impérative pour la navigation maritime.

 

Quelles seront les dotations en équipements du site ?

— Dans les années 1880, Georges Rayet fait construire les premiers bâtiments qu’il équipe de trois lunettes équatoriales (elles tournent dans le sens contraire de la rotation de la terre) et d’une lunette méridienne (nommée ainsi parce qu’elle se déplace dans le plan nord/sud). Cette dernière servait à déterminer les coordonnées des étoiles. L’une des lunettes a permis de réaliser une carte du ciel par photographie. Un télescope, en 1950, vient compléter les installations. C’est au cours de cette même période que le site s’enrichit d’un bâtiment comportant bureaux, bibliothèque, laboratoire d’optique et un atelier de réalisations mécaniques de précision. Citons également la construction d’un édifice bâti sans aucun élément métallique, afin de réaliser des expérimentations sur le magnétisme.

Deux radiotélescopes viennent compléter l’équipement du centre dans les années 1960. L’un d’eux est un ancien radar Würzburg utilisé par l’armée allemande lors du conflit 1939/1945 et plus tard, de1966 à 1987, pour l’observation continue du soleil. De 2009 à 2016, il est mis à disposition des enseignants, des étudiants et des amateurs via une interface web ou en local.

La dernière réalisation est le radiotélescope millimétrique. L’interféromètre millimétrique (encadré) y est élaboré comme expérimentation technique lors des débuts du projet IRAM (Institut de radioastronomie millimétrique - encadré). Il permet l’étude de la chimie du milieu interstellaire. Une partie des installations est déménagée après la création de l’interféromètre du plateau de Bure dans les Alpes. Actuellement les instruments ne sont ni utilisés ni entretenus.

 

Pourquoi abandonner le site et que devient -t-il ?

— Au cours de l’été 2006, nous avons appris que nous devions quitter ce site. Nous nous sommes installés sur le domaine universitaire de Talence. Le site est entretenu à minima. Il est la propriété de l’Université de Bordeaux qui souhaite le garder, le valoriser et promouvoir un projet ambitieux : en faire une vitrine de la recherche. Pour l’instant, l’association Sirius s’occupe de visites qui incluent la découverte d’un des éléments du triptyque réalisé par Suzanne Treister à la demande de la Métropole et intitulé Les vaisseaux de Bordeaux. Cinq bibliothèques en bois, reproductions d’un meuble de la coupole, sont accrochées aux murs de la grande coupole du Grand Équatorial afin de ne pas gêner la rotation de l’instrument sur son axe au sol. Elles présentent romans, nouvelles, essais qui ponctuent et retracent l’histoire de la science-fiction depuis Verne, Wells, Rosny Aîné et, bien sûr, Bulwer-Lytton, jusqu’aux auteurs les plus récents, en passant par Heinlein, Asimov, Clarke, Van Vogt, Gibson...

Plus anecdotique, les bâtiments ont été utilisés pour le tournage de la série de Fance 3 Alexandra Ehle,  avec Julie Depardieu.

Quelques manifestations artistiques y sont organisées et des résidences d’artistes ont été créées dans les anciens logements du personnel.

Deux axes de réflexion sont à l’étude pour le moment. D’une part, l’accueil de classes de découverte sur les thèmes de l’astronomie et la constitution d’herbiers ; d’autre part, la mise en valeur et l’étude de la forêt urbaine qui se trouve sur le site.

Ce site, inscrit aux monuments historiques depuis 2010, mérite que des solutions pour sa mise en valeur tant environnementale que scientifique soient trouvées et qu’il sorte enfin de sa léthargie. 

 

Radioastronomie

La radioastronomie millimétrique étudie les ondes radio émises par les objets célestes sur des longueurs d’ondes millimétriques. Elle se focalise donc sur l’étude des molécules se trouvant dans les différents milieux astrophysiques et principalement dans une grande partie du gaz interstellaire suffisamment dense et froid pour que les molécules dominent ce milieu.  Comme c’est dans ce gaz dense, et donc moléculaire, que se forment les étoiles, le rayonnement millimétrique permet d’étudier tous les stades de la formation stellaire, jusqu’aux disques protoplanétaires.

 

Interféromètre

 

L'interférométrie est une famille de techniques dans lesquelles des ondes (généralement électromagnétiques) se superposent provoquant des zones d'interférences appelées « franges » afin d'extraire des informations utilisées en astronomie aussi bien avec des télescopes optiques qu'avec des radiotélescopes. Son avantage est de permettre une résolution équivalente à celle d'un miroir (ou radiotélescope) de diamètre équivalent à l'écart entre les instruments combinés. Le contraste des franges permet ensuite d'obtenir une information sur la taille de l'objet observé ou sur la séparation angulaire entre deux objets observés (par exemple, un système étoile-planète)

 

Bernard Diot

 

Une pièce du triptyque réalisé par l'artiste
Une pièce du triptyque réalisé par l'artiste

Le triptyque de Suzanne Treister forme un triangle physique à travers la ville et de part et d'autre du fleuve. Le point de départ est la mise en place dans le quartier des Bassins à flot d'une structure de 17 m de diamètre, pensée comme une épave de navire de la seconde guerre mondiale qui se transforme en vaisseau spatial évoquant la mutation de la ville. Le dernier élément est consacré à Jacques Ellul (Professeur d'histoire du droit, surtout connu comme penseur de la technique et de l'aliénation au XXe siècle et auteur d’une soixantaine de livres) avec la création du puits/ bibliothèque érigé sur la rive droite dans le Parc des Angéliques. Il abritera ses œuvres ainsi que celles de divers écrivains. Elle veut mettre en scène les questionnements que nous pouvons avoir sur l'essor des sociétés technologiques et la dépendance de l'Homme à la machine.