Musiques d'ailleurs

Musique et moments de plaisir grâce au didgeridoo ( Jacques D.)

Les aborigènes d’Australie jouent d’un instrument peu connu, le didgeridoo. Cet instrument est aussi utilisé par des groupes de musique (acid jazz, punk music) et quelques passionnés. Nous avons rencontré Jacques qui nous en a parlé.

 

Jacques est un jeune homme célibataire de 32 ans. Après des études de paysagiste, il galère de petits boulots en petits boulots pour vivre honnêtement. Genre de vie de plus en plus « normale » pour de nombreux jeunes. Mais il fabrique et joue du didgeridoo. Cela lui permet de se sentir bien dans sa vie et dans notre société. Il a tenu à nous faire partager son rêve, sa passion.

 

L’Observatoire : Pourquoi jouez-vous du didgeridoo ?

— Jacques : Mon frère Charles, surfeur, en avait acheté dans un bric-à-brac. C’était une branche en bois peinte de motifs en croix et creuse de 1,5 m de long, conique, épaisseur de 1 cm, embouchure de 30 mm et embase de 10 cm. Il me l’a donné quand j’avais quinze ans avec un CD du groupe Jamiroquai. Un des musiciens, Wallis Buchanan, australien, utilisait un didgeridoo. J’amenais partout l’instrument et le CD pour en jouer. Après des essais laborieux, je me suis rendu compte que l’instrument sonnait faux et devait être abîmé.

 

— Avez-vous donné suite à cette première expérience ?

— J’étais trop attaché à ce morceau de bois pour en rester là. Je l’ai d’abord examiné au dedans et au-dehors. L’intérieur était simplement équarri et je voyais le jour au travers de fissures. Après ces examens, je demandai de l’aide à mon père pour le remettre en état. Cela nous a pris trois mois. D’abord nous avons enlevé la peinture et ensuite scié en long avec la scie électrique d’un ami. Nous avons fabriqué des outils à bois pour le remettre en forme. Ensuite collage des deux parties, ajustement et peintures. Les recherches sur Internet nous ont permis d’améliorer notre savoir-faire. Les sons obtenus nous payaient de nos efforts et de notre patience. Depuis j’ai toujours plaisir à réaliser un nouveau didgeridoo. Ce qui me prend quelques mois depuis la recherche de la branche à travailler jusqu’au moment où je souffle.

 

— Comment pratiquez-vous ?

Je commence par produire un bourdonnement semblable au tonnerre que je modifie avec mon souffle en continu plus ou moins fort. Je module le son avec les lèvres, la langue et les mouvements du diaphragme. Je produis alors des bruits d’animaux (chien, tourterelle, cheval,…) sur un fond d’orage ou de pluie. Vous reconnaissez un bon joueur dans ses modulations ininterrompues. Il doit s’efforcer de maintenir un souffle constant. La grande difficulté consiste à produire ces sons sans interruption. Ce qui nécessite de pratiquer la respiration circulaire. L’aspiration se fait par le nez et remplit à la fois les poumons et la bouche. L’expiration se fait en même temps par la bouche. Avec cette méthode un joueur entraîné peut souffler en continu pendant des heures. Moi je n’y suis pas encore arrivé, je ne pratique pas assez.

 

— Existe-t-il des communautés de joueurs ?

— Oui vous pouvez parler de communautés car au-delà des sons, le peuple aborigène d’Australie perpétue son histoire dans le didgeridoo depuis la préhistoire. L’aborigène a soufflé dans cet instrument originel, branche d’eucalyptus dont l’intérieur avait été mangé par les termites : Ces termites se sont envolées et ont créé les étoiles… Ce caractère mythique est accentué chez le joueur expérimenté par la transe procurée par les fréquences basses des vibrations sonores de l’instrument.

 

— Quelle place occupe le didgeridoo dans votre vie ?

— Je le pratique deux à trois fois par mois lorsque je suis seul et que l’envie me prend chez moi mais aussi quand je reçois des amis, très peu en public. J’ai été tenté lors de la fête de la musique, mais il faudrait que je sois dans un groupe. Je n’ai pas encore trouvé d’association qui me convienne. Je cherche aussi un local où je pourrais continuer à en fabriquer. J’ai décidé de participer cette année, en juin, au grand rassemblement d’Airvault (Deux-Sèvres) qui permet aux amoureux des didgeridoos de partager leur passion et de ressentir cette communion entre   « aborigènes » de notre pays.

Patrick Dauga