La course dans le sang

Monique Noirot porte la flamme olympique, cérémonie avant le départ pour Mexico
Monique Noirot porte la flamme olympique, cérémonie avant le départ pour Mexico

 

 

À Eysines, loin des clameurs des stades, une agréable demeure abrite une sportive de haut niveau.

 

Quand Monique Widemann vient au monde le 10 octobre 1941, ses parents, Albert, champion d'Alsace d'athlétisme et Jeanne, ignorent qu'elle sera le fleuron d'une lignée de champions.

 

Premières armes

Dès l'enfance, Monique déploie une telle énergie, qu'elle est naturellement orientée vers les pistes d'athlétisme. En cadettes, ses résultats sont moyens jusqu'au déclic ; à 16 ans, elle domine tous les 60 m scolaires.

Sous les couleurs du BEC*, elle est championne de France junior du 100 m en 1958, 1959 et 2ème du championnat senior en1960. C'est alors que Monique rencontre André Noirot du CAM*, coureur de 800 et 1500 m, ils unissent leurs destinées. Ce bouleversement dans sa vie est suivi d'une mutation décisive, elle entre aux Chèques Postaux et, avec André prend une licence à l'ASPTT* de Bordeaux où les entraînements se déroulent sous la houlette d'un façonneur de talents, Roger Grange.

Suite à un accord ministère des PTT / Ministère des sports, elle est détachée de son service et mise à disposition du club. Elle rejoint une brigade d'une quarantaine de grands sportifs de la Police, de la RATP ou des PTT.

 

Une ascension fulgurante

Monique Noirot est transportée par l'ambiance de l'ASPTT, elle libère alors sa puissance et son explosivité, apprend à refuser la défaite et, en 1964, c'est dans un sprint rageur qu'elle devient championne de France du 200 m à Colombes, c'est aussi le prélude à une carrière internationale, 34 sélections en équipe de France. Elle confie en souriant : « J'en ai vu du pays, la Yougoslavie, l'Autriche, l'Allemagne, la Hongrie, le Danemark 5fois ! Bien que mes courses fétiches soient 100 et 200 m, c'est sur 400 m qu'on m'alignait dans les grandes occasions.

Cette discipline exige vitesse, endurance et le respect d'un régime draconien. » Monique sera 3 fois championne de France sur cette distance et améliorera le record de France à 5 reprises.

En 1966, au Nepstadion de Budapest, elle est médaillée de bronze du Championnat d'Europe, elle regrette encore : « J'étais déçue, je me suis vue médaille d'argent ! ».

Déjà 3ème des Préolympiques, à Mexico en 1967, elle craint d'y avoir contracté le ténia, elle figure alors parmi les 10 meilleures mondiales du 400 m et les JO de Mexico sont son objectif suprême. En 1968, sur la piste du Stade olympique universitaire, à 2 300 m d'altitude, Monique parvient en 1/2 finale sans se qualifier pour la finale du 400 m remportée par Colette Besson qui bat le record de France de la brune girondine. Rivales, leurs relations restent bonnes, « je l'avais toujours battue jusque-là, nous deviendrons amies bien plus tard », souligne Monique, marquée par le décès de Colette en 2005 et d'ajouter : « De cette période, je retiens l'humiliant test de féminité, les premiers contrôles antidopage et la hiérarchie faussée par les Soviétiques et les Allemandes de l'Est. »

 

Le drame

Le 11 octobre 1993, André Noirot se tue accidentellement, leur fils Olivier est grièvement blessé, sa carrière est brisée, elle s'avérait éblouissante, 4 titres de champion de France du 400 m, un record de France de la distance qui tiendra 10 ans, les 1/2 finales des Championnats du Monde 1993. Olivier, digne héritier de cette lignée des Noirot avec sa sœur Sophie, vainqueur du Cross de Gujan-Mestras et la petite fille Claire, championne d'Aquitaine du 80 m haies. André était la cheville ouvrière du club, Monique va donc assumer la gestion de la section d'athlétisme, entraîner, aider Olivier dans l'organisation du Meeting international André Noirot et du semi-marathon de Bordeaux.

Après deux mandats au Comité directeur de la Ligue d'Aquitaine, on pourrait penser que Monique est désormais vouée aux tâches administratives. Certes la griserie de la course n'exerce plus sur elle son pouvoir enivrant mais affronter les 33 km de Libourne, parcourir à pied l'Atlas et le désert marocain, braver la Cordillère des Andes, ce n'est pas une sinécure ! Même sa passion pour les voyages avec sa sœur Marie-France sera l'occasion d'accumuler les kms, lors d'un séjour en Bretagne.

Décidément, la vie de Monique Noirot est un défi permanent !

Claude Mazhoud

 

*BEC : Bordeaux étudiants club

CAM : Club athlétique municipal de Bordeaux

ASPTT : Association sportive des PTT

 

 

Colombes 1966, Monique Noirot bat Colette Besson, elle est championne de France et bat le record du 400m ( photo Keystone)
Colombes 1966, Monique Noirot bat Colette Besson, elle est championne de France et bat le record du 400m ( photo Keystone)