Petite station, grande compétition

Lacanau est devenue capitale du surf.

L'affiche 2009, celle des 30 ans ( S. Jaton-Rondeau)
L'affiche 2009, celle des 30 ans ( S. Jaton-Rondeau)

L’Observatoire intrigué a rencontré un des organisateurs de la première heure : Philippe, un petit air à la Sean Penn, cheveux attachés, parle de l’aventure avec enthousiasme. Son regard franc, ses yeux rieurs semblent délavés par de trop longs séjours dans l’eau sur sa planche.

Sur la plage de Lacanau, dans les années 1960, une bande de copains volleyeurs découvrent, ébahis, un hurluberlu glissant sur l’eau à l’aide d’une planche… Il n’en faut pas plus pour qu’immédiatement nos sportifs amateurs troquent le ballon contre cette archaïque surface plate …qui pesait vingt-deux kilos !

Lacanau Surf Club prend racine, et dès 1970, compte cinquante adhérents ; huit ans plus tard c’est la deuxième école de France après Biarritz. Une baraque en bois les accueille.

 

Quand une vaguelette…

En 1979, la même bande de doux dingues, amoureux de la mer, surfeurs un peu babas, décide de faire une fête. Rien n’est structuré, la vente de saucisses/merguez couvre les frais et les déplacements de surfeurs invités connus.

Durant deux années, cela s’appelle Grand Prix de Lacanau. Cinq ans plus tard, nos apprentis organisateurs s’étoffent et créent une association : Lacanau Pro est né. Ce qui permet d’accéder à la compétition internationale. L’équipe se structure, chacun apporte son savoir-faire personnel : peintres, électriciens, plombiers etc. Le nerf de la guerre c’est l’argent ; les sponsors arrivent, ils proviennent essentiellement des marques de produit dérivés du sport et de la mer.

 

… devient tsunami !

Le Conseil général, le Syndicat mixte (communauté de communes) et la mairie, qui prend conscience de l’impact commercial, subventionnent la construction de la maison de la Glisse, ouverte en 1990. La fête avait lieu sur le remblai, des gradins de fortunes accueillaient spectateurs, organisateurs et compétiteurs. La construction des parkings en bordure de mer permet la création du village. La manifestation résiste à une année sans sponsors.

L’imagination de nos organisateurs est sans limite : ils sont précurseurs pour la création d’une tour d’Algécos vitrés qui sert de bureaux pour les membres du jury. Cette idée a fait des émules sur d’autres lieux de compétitions.

 

Trente ans plus tard

Chaque Lacanau Pro prépare l’année suivante. C’est là que se monnaient contacts, négociations et contrats. C’est une compétition, où se côtoient juniors et professionnels, et toujours une fête qui dure dix jours, autour du 15 août. Soixante personnes travaillent bénévolement à l’organisation et au montage. Des juges viennent de tous les continents. L’hébergement des stars de la glisse, du jury et des invités de prestige se fait d’une année sur l’autre dans les hôtels et chez les particuliers. La nourriture est fournie par un traiteur sur le village. La vente des tee-shirts paye les primes des champions.

Un important plateau musique reçoit des artistes, logés nourris mais non rémunérés, qui bénéficient de la publicité de la compétition pour se faire connaître. Quarante stands sont loués à des vendeurs de produits surf wear, mais hélas trop souvent remplacés par de la pacotille…

Jusqu’à cent cinquante mille spectateurs déambulent dans cette petite station balnéaire. Les vrais surfeurs dorment dans leurs camions déglingués, les fêtards dans les campings ou sur les plages ; les restaurants sont pris d’assaut et les boîtes de nuit font le plein. Tout ce débordement est un peu dérangeant pour les autochtones, mais remplit le tiroir-caisse des commerçants.

Souvent les vagues se font désirer ; depuis trois ans elles sont bonnes.

Le succès de Lacanau Pro est imputé à sa difficulté. On est loin des rouleaux hawaïens, les vagues de banc de sable sont mobiles, il faut les négocier entre ressac et baïnes.

L’an dernier, c’est un Basque qui a rapporté la compétition. Nos champions français sont une dizaine parmi les cinquante meilleurs mondiaux.

Les organisateurs de Lacanau Pro peuvent se targuer d’être des grands et d’être les irrésistibles de la « compète » du Sud Ouest : Biarritz et Hossegor ont abandonné.

Le monde du surf avec ses six cent adhérents est victime de son succès. Ça glisse !

 

Paule Burlaud