Éduquer son odorat après le Covid 19, retrouver la mémoire des effluves après un traumatisme ou une maladie, c’est possible grâce à une praticienne installée à Bordeaux. 

Marie Courteix Bessière est une jeune femme passionnée par son métier qu’elle est une des rares à exercer, celui d’olfactothérapeute. Elle intervient à Bordeaux en milieu hospitalier, dans le cadre des soins palliatifs (maison de santé Marie-Galène), pour le bien-être des patients ou encore pour les personnes qui souhaitent améliorer leur odorat.

— L'Observatoire : Quelle méthode utilisez-vous ?

— Marie Courteix Bessière : La stimulation par les odeurs réactive des connexions dans le cerveau directement dans le système limbique, siège de la mémoire et des émotions. Tout cela de manière inconsciente ! C’est grâce à ce processus que l’on prend en charge les troubles de la mémoire fortement impactée par les odeurs (la Madeleine de Proust)

— Quelle motivation et quelle formation vous ont amenée à exercer cette profession ?

— Passionnée depuis toute petite par les parfums et les odeurs, j’ai étudié la biochimie et les cosmétiques. J’ai travaillé en tant que Préparatrice en pharmacie. Au bout de vingt ans, grâce à des formations en aromathérapie, j’ai renoué avec les odeurs. Puis, je me suis initiée à la création des parfums, avec des nez professionnels comme Clémentine Humeau (les Olfactines*) à Bordeaux. Pendant deux ans la formation OSTMR (voir encadré), à l’École supérieure du parfum de Paris, m’a permis d’allier ma passion pour les odeurs et mon travail dans le médical. Diplômée de la première promotion de France, j’exerce depuis un an à Bordeaux.

— Comment se déroule la séance de thérapie ?

— Une première heure est nécessaire pour établir un diagnostic olfactif ainsi qu’une détection du seuil de perception des odeurs (olfactométrie). Ensuite on demande de remplir un questionnaire basé sur la mémoire autobiographique ce qui permet de travailler sur des odeurs personnelles, liées à l’enfance, les vacances et ainsi renforcer les acquis et retrouver progressivement la mémoire. Le procédé peut, suivant les cas, demander trois heures ou plus.

— Utilisez-vous tous les petits flacons disposés sur votre bureau ?

— Une palette de 80 stimuli olfactifs, dilués à différentes concentrations, peuvent être utilisés. À chaque séance, les stimuli varient en cohérence avec les besoins individuels. Il faut réactiver des émotions liées à des souvenirs : l’enfance, les lieux de vie, la nature, les voyages, les préférences olfactives de bonnes ou mauvaises odeurs, notamment alimentaires.

— Pouvez-vous nous donner des exemples d’intervention ?

— En soins palliatifs, j’avais amené toutes sortes de flacons et au fur et à mesure, j’accompagnais le récit du patient, avec les odeurs correspondantes. Ayant vécu au Maroc, il se souvenait de la merveilleuse fragrance des orangers. Rien que ce souvenir lui a fait oublier, un court instant, ses douleurs, l’isolement de sa chambre et lui a permis de s’évader. Il m’a dit : « Continuez ce que vous faites, vous êtes une virgule de bonheur ».

Un jeune homme ayant perdu l’odorat à la suite du Covid, s’est vu proposer un stimulus sur les odeurs de foin, de ferme, pour lui rappeler son enfance à la campagne et impacter sa mémoire de manière spécifique. Le travail est alors bien plus rapide et efficace car il parle directement à notre mémoire émotionnelle.

D’autres ateliers ont été réalisés en groupe, en hôpital de jour ou dans des associations, afin d’échanger sur des odeurs, de créer du lien pour que chacun puisse raconter ce que cela lui évoquait comme souvenir. On appelle cela des balades olfactives sur des thèmes comme les agrumes, les fleurs.

La reconstruction de la mémoire passe par la récupération de l’odorat.

Propos recueillis par Pierrette Guillot 

Encadré

L’OSTMR (olfactory stimulation therapy and memory reconstruction) a été créée par le Docteur Olga Alexandre, neuropsychiatre, dans un but thérapeutique pour les troubles de la mémoire, de l’odorat, la gestion de la douleur, les troubles psychologiques et comportementaux.

Cette méthode s’adresse aux professionnels de santé et aux parfumeurs. Actuellement on compte une dizaine de spécialistes OSTMR dans toute la France. La prochaine promotion sera « Citron -Verveine » en 2022. 

Olfactothérapie M.C. Courteix Bessière

64 cours de l’Argonne, Bordeaux 06 60 72 78 32

www.olfact’elle.fr

*Les Olfactines studio de création de parfum à Bordeaux