Des archives vivantes

Comment une association mémorielle s'efforce de ne pas disparaitre. 

 

Le siège de la Communaité urbaine de Bordeaux en 1979, il devient celui de Bordeaux Métropole en 2015 (photo Mémoire de Bordeaux Métropole)
Le siège de la Communaité urbaine de Bordeaux en 1979, il devient celui de Bordeaux Métropole en 2015 (photo Mémoire de Bordeaux Métropole)

Janvier 2021, douche froide pour la Mémoire de Bordeaux Métropole, son président, nouvellement élu, rencontre le président de Bordeaux Métropole, Alain Anziani, qui lui annonce une réduction de 20 % de la subvention, comme pour de nombreuses autres associations. Il ajoute que le poste de directrice, à mi-temps, sera supprimé le 1er juillet 2021. Et pour faire bonne mesure, l’association devra libérer, fin avril 2022, les deux bureaux qu’elle occupe dans le bâtiment des Archives de Bordeaux Métropole.

 

La faire connaître

Même si ces décisions brutales et sans préavis pouvaient sembler justifiées aux yeux de certains élus, tout laissait à penser que les spécificités des missions de la Mémoire leur étaient mal connues, de même que l’intérêt des travaux menés par les bénévoles au sein des commissions spécialisées et par les salariées du centre de documentation.

Surpris par ces propos qui pouvaient signifier la fin de la Mémoire, son président fait élire trois vice-présidents pour l’aider à mieux la faire connaître. Ses statuts et son règlement intérieur sont modifiés afin de palier, au moins dans les principes, le départ de la directrice, de donner la possibilité à toutes les communes d’être représentées au sein de son conseil d’administration. Aujourd’hui, elles sont plus de la moitié à avoir répondu favorablement.

Afin de présenter l’association, le président et les vice-présidents ont alors rencontré de nombreux élus, souvent nouvellement en place. Ils ont vu également des responsables de la ville de Bordeaux, de la Métropole, de l’Université et des communes métropolitaines qui ont, bien souvent, fait remarquer que la Mémoire concentrait essentiellement ses actions à Bordeaux, prenant pour exemple les conférences jamais organisées, ou très rarement, en dehors de Bordeaux.

Sans être présomptueux, les dirigeants sont en droit de penser que leurs efforts ont porté leurs fruits. Leurs interlocuteurs sont maintenant, pour la plupart, convaincus que la Mémoire de Bordeaux Métropole remplit des missions indispensables pour la conservation des témoignages des personnes qui ont fait la Métropole depuis plus de 70 ans, ou encore des documents écrits et audiovisuels, etc.

Ces rencontres ont mis en évidence la possibilité d’organiser des actions en collaboration, comme des expositions, des conférences et toute autre manifestation. De plus, les communes et associations patrimoniales sont invitées à faire paraître des articles dans la revue Empreintes, éditée deux fois par an par la Mémoire.

 

L’avenir

Bien atteinte par la pandémie, plus de réunions en présentiel, plus de conférences à l’exception de deux en visioconférence pour 2020, plus de contacts entre les membres, l'association a vu ses effectifs diminuer sensiblement de 260 en 2019 à 170 en 2021. Cette diminution significative des recettes qui s’ajoute à la diminution de la subvention de la Métropole a rendu très difficile financièrement l’année 2021. En 2022, la situation devrait être plus favorable car la Métropole a promis une subvention exceptionnelle. En revanche, l’année 2023 sera encore très difficile car cette dernière subvention ne sera pas reconduite.

Concernant le déménagement des deux bureaux, il aura lieu dans les prochains mois. L’hypothèse actuelle est de venir occuper des locaux au troisième étage de l’Hôtel des sociétés savantes, place Bardineau.

L’association a su réagir avec efficacité et pugnacité, sa pérennité, si elle n’est pas définitivement acquise, est au moins sur la bonne voie.

Roger Peuron

 

Encadré 

Au service de l’histoire de la Métropole depuis plus de 70 ans

La Mémoire de Bordeaux Métropole, association de type loi 1901, d’intérêt général, a été créée en 1987, à l’initiative de Jacques Chaban-Delmas. Elle est un centre de recherche et de documentation sur l’histoire contemporaine de l’agglomération bordelaise depuis les années 1950.

Son objectif est de créer un vivier d’informations, sous toutes les formes, directement utiles à celles et ceux qui auront un jour à écrire et à illustrer la grande comme la petite histoire locale.

Pour la collecte, La Mémoire s’appuie sur un réseau foisonnant de membres actifs issus de secteurs d’activités divers qui se répartissent en commissions et en groupes projet. Ils y effectuent des travaux de recherche documentaire, ils présentent des exposés, réalisent des interviews de grands témoins, préparent des publications, organisent des expositions, proposent des conférences…

Sur ces bases, La Mémoire de Bordeaux Métropole collecte auprès de particuliers, d’autres associations ou d’entreprises, mais produit aussi elle-même de nombreuses archives de natures diverses. Elle dispose ainsi de fonds audiovisuels, sonores, iconographiques et aussi écrits qui témoignent du développement économique, social et urbanistique de Bordeaux et de son agglomération. Sa banque d’images numériques, qu’elles soient photographiques ou audiovisuelles, lui permet de satisfaire les demandes de chercheurs en histoire, de documentaristes, de chaînes télévisées, d’éditeurs ou encore de simples curieux. C’est avant tout l’image, fixe ou animée qui reste la valeur ajoutée des fonds de La Mémoire.

En plus de la collecte active de sauvegarde, La Mémoire produit son propre fonds en effectuant des reportages photos et vidéos sur les mutations urbaines de l’agglomération bordelaise depuis les années 1980, mais aussi sur les évènements. Elle a également réalisé des interviews de nombreuses personnalités locales qui se sont illustrées dans différents domaines.

 

Valorisation

C’est ainsi qu’elle organise des cycles annuels de conférences et projections qui lui permettent de valoriser ses fonds, de rendre compte de travaux de ses bénévoles et partenaires ou tout simplement d’évoquer des aspects méconnus de l’histoire locale. Ce sont aussi des expositions et notamment la tenue annuelle d’un salon d’expression photographique. C’est la salle capitulaire de la cour Mably qui lui sert de cadre chaque année en septembre.

La Mémoire c’est aussi l’édition. Outre la revue Empreintes, qui rassemble des articles historiques, l’association a créé des collections de monographies, Documents et Les Cahiers de La Mémoire qui présentent des études plus approfondies, issues des travaux des commissions. Elle produit aussi des documents audiovisuels dans la collection Les Images de La Mémoire. Enfin, La Mémoire s’associe régulièrement à des éditeurs bordelais pour publier des « beaux livres ». La Mémoire se fait l’écho de toutes ces activités sur les réseaux sociaux. Mais elle ne se contente pas d’en faire un outil de communication, elle les utilise aussi comme outil de valorisation en y partageant des documents parfois inédits.