Un homme parmi les sages-femmes

Depuis plusieurs décennies, les femmes ont intégré des emplois réservés aux hommes. Qu’en est-il du métier de sage-femme, longtemps réservé aux femmes ?

 

Paul Brange (A. Blanchet)
Paul Brange (A. Blanchet)

 

C’est en 1982 que la profession s’est ouverte aux hommes. Surgit alors un débat autour de la dénomination des nouveaux praticiens. Vont-ils être des sages-hommes ? Des maïeuticiens, terme cher à Socrate visant à faire accoucher l’esprit humain ? Des matrons ? Des accoucheurs ? Rien de tout cela, ils seront simplement des sages-femmes.

 

Un choix atypique

Installé à Cestas, Paul Brange fait partie du 1, 8 % d’homme exerçant ce métier. Après cinq années passées dans une structure hospitalière, avec sa compagne, ils choisissent l’option de pratiquer en cabinet libéral.

Pour lui, pendant toutes ses études, il s’agit d’un choix de carrière réfléchi, guidé par la réussite à des concours et plus modestement par la profession de ses parents : un père et une mère médecins. Au fil de ses quatre années passées à étudier, l’homme se détermine, soit ça plaît, soit ça ne plaît pas.

Au quotidien, il a un rôle d’accompagnement médical et psychologique des parents durant six à sept mois, de suivi de la grossesse, veille sur son bon déroulement. C’est une profession riche en relations humaines, jalonnée de moments forts qui créent des liens. Il en résulte un modelage sur l’appréhension de la vie de tous les jours. La naissance est un moment anxiogène parfois avec des complications mettant en danger la santé de la maman et celle du bébé. En réalité, le travail est stressant surtout en obstétrique.

Un aspect inattendu est l’aide portée aux futurs papas qui, eux aussi, ont besoin d’être rassurés, de comprendre, d’appréhender leur nouvelle vie, le praticien est l’homme de la situation, la confiance s’installe plus facilement entre deux hommes. Un vrai travail est réalisé en cas de nécessité.

L’accompagnement post-natal, notamment la rééducation des jeunes accouchées, n’a pas encore fait sauter le verrou de tous les tabous. Elles préfèrent s’adresser à une femme. La compagne de Paul Brange officie pour les patientes de son mari.

 

Traditionnellement féminin

Depuis l’Antiquité, la profession, une des plus anciennes qui soit, a été une des rares dominée par les femmes. Souvent dépourvues de connaissances théoriques, elles exercent en Europe Centrale pendant tout le Moyen-Âge, ceci jusqu’aux temps modernes. On les désigne parfois par le terme de matrones. Leur rôle ne se limite pas à l’accouchement, elles ont un véritable engagement social et religieux. Elles peuvent baptiser l’enfant qui va mourir et sont, malgré elles, les confidentes et les détentrices des secrets de famille.

À la fin du XVIIIe siècle, la première sage-femme est nommée et exerce son métier à l’Hôtel-Dieu de Montmorency dans le Val d’Oise, il s’agit d’Élisabeth Bourgeois, épouse d’un chirurgien.

C’est à cette époque que la séparation s’est faite entre la pratique des chirurgiens et celle des sages-femmes.

 

Quel sera le devenir du métier ?

Aujourd’hui, cent soixante hommes exercent la profession, ils ne se positionnent pas par une différenciation ou une revendication quelconque. En raison de leur accueil récent dans les écoles, leur moyenne d’âge se situe entre trente et quarante ans.

Beaucoup d’entre eux se sont dirigés vers le milieu hospitalier, plutôt dans des grandes structures offrant une diversité des tâches. Ils échappent ainsi à une hiérarchie parfois trop pesante dans les cliniques privées.

Ils acceptent d’être appelés sages-femmes car ils ont choisi de ne pas se démarquer de leurs consœurs et ne sont pas en quête d’un autre titre. Toutefois, un constat est mis en avant, le salaire peu gratifiant après quatre années d’études assorties de lourdes responsabilités.

Ils recherchent une autonomie dans leurs actions professionnelles et à s’approprier un travail qui ne va pas de soi, mais aussi pour accroître le pouvoir et la présence des sages-femmes dans le champ de la naissance.

Une hausse significative du nombre de praticiens se profile par les propositions faites aux jeunes garçons en panne d’idée pour leur orientation professionnelle.

Est-ce que ce métier peut se décliner au masculin sans être profondément modifié ?

 

Maryse Laporte