Hissez le pavillon jaune

Chacun a pu le remarquer : dans les ports ou sur les rivages, les drapeaux sont particulièrement nombreux à flotter au vent du large.

Navire sur rade en attente d'une autorisation d'entrer dans le port (Photo D.Sherwin-White)
Navire sur rade en attente d'une autorisation d'entrer dans le port (Photo D.Sherwin-White)

S’ils contribuent à embellir le paysage, les drapeaux sont surtout là pour transmettre des informations. Tout le monde  connaît ceux qui flottent sur les plages, même au bord des lacs. Leurs couleurs se déclinent comme celles des feux de circulation : vert, baignade autorisée ; jaune, prudence ; rouge, interdiction. Il s’agit là de simples drapeaux car dans le langage maritime, sur un navire il n’y a que des pavillons.

 

Transmission des informations

Les dimensions, l’emplacement et l’usage sont le résultat de réglementations et de coutumes anciennes. Tout navire doit arborer son pavillon national à l’arrière. Dans un port étranger, il doit hisser, en plus, celui du pays hôte : c’est le pavillon de courtoisie. À ceux-ci peut s’ajouter pour les navires de commerce, celui de l’armateur. De nos jours, les conteneurs offrent un bien meilleur support publicitaire.

Les plaisanciers arborent celui de leur club. Les plus prétentieux ont leur pavillon personnel. Quant aux navires militaires, ils disposent de nombreux pavillons selon leurs missions. Les pirates actuels ne s’embarrassent plus du pavillon noir. En mer comme à terre les bonnes manières se perdent ! Heureusement les jours de fête, on continue à hisser le grand pavois. Si cette guirlande colorée enchante les visiteurs, beaucoup ignorent que ses 40 pavillons représentent chacun une lettre ou un chiffre. Il s’agit d’un alphabet créé au XIXe siècle dont la signification et l’usage font l’objet de conventions internationales. « La dernière était celle de Londres en 1972 » explique Yves Nadalié, capitaine au long cours à la retraite. « Certains de ces pavillons ou leur association ont une signification particulière, comme le rouge, obligatoire pour le transport des marchandises dangereuses ou inflammables. Le pavillon jaune qui représente la lettre Q, a aussi une autre signification."   

 

De la quarantaine à la libre pratique

Au XVIIIe siècle, le pavillon jaune était devenu obligatoire en Angleterre pour les navires mis en quarantaine. L’isolement était un moyen de lutte contre les épidémies venues d’outre-mer. La dernière grande peste ayant frappé notre pays, était arrivée en 1720 par le Grand Saint-Antoine en provenance du Levant. Il avait enfreint les mesures de quarantaine. En quelques mois, la moitié des habitants de Marseille décédèrent et 100 000 personnes moururent. En France, une ordonnance de 1822 imposa à tout bateau « une flamme de couleur jaune afin de faire connaître son état de suspicion et empêcher toute approche.» D’autres pays adoptèrent le pavillon jaune.

Avec les progrès de la médecine, la signification a changé. « Il se hisse avant l’arrivée du pilote et signifie que le navire demande la visite des autorités afin d’avoir le droit d’entrer au port. Pour les bateaux de plaisance ceci équivaut à une demande de la libre pratique, en clair, l’autorisation pour les occupants de descendre à terre » explique Yves Nadalié. « En 1965, à New- York, on devait le hisser et attendre en zone de quarantaine, entre le pont de Verrazano et la statue de la Liberté, la visite du service de santé. Le contrôle était particulièrement désagréable.»

À Bordeaux, Yves Nadalié, qui fut commandant-adjoint de la capitainerie, ne se souvient pas l’avoir vu utilisé de son temps : les progrès des radiocommunications l’avaient rendu obsolète. « Par contre, il nous ait arrivé de mettre un navire en quarantaine, en rade de Suzac, près de Royan. » S’il n’est plus utilisé en Europe, il continue à être obligatoire dans bien des pays.

L’épidémie de grippe A est venue mettre au goût du jour ce pavillon sous une forme informatisée. « Les navires en provenance du Mexique et des États-Unis doivent désormais remplir une déclaration maritime de santé. En fonction des réponses, celle-ci doit être transmise au Centre des consultations médicales maritimes à Toulouse qui prend les mesures nécessaires » explique le commandant Henri Follin de la capitainerie de Bordeaux.

 

René Sarrazin

 

 

La capitainerie du port de Bordeaux (Photo D.Sherwin-White)
La capitainerie du port de Bordeaux (Photo D.Sherwin-White)