L'Académie du billard

L'imposante polyclinique Jean Villar à Eysines (photos de D. Sherwin White)
L'imposante polyclinique Jean Villar à Eysines (photos de D. Sherwin White)

La chirurgie ambulatoire, source d’économies pour la Sécurité sociale et les Mutuelles ou bénéfice réel pour le patient ?

 

Réalisée dans des conditions  nécessitant la sécurité d’un bloc opératoire et sa surveillance, la chirurgie ambulatoire permettrait sans risque la sortie du patient le jour de l’intervention. Claude a subi une acromioplastie après rupture du tendon de l’épaule, il raconte :

 

Par-dessus l’épaule

« Le grand jour est arrivé, dans la voiture qui me mène à l’imposante Polyclinique Jean Villar, je ne me sens pas très bien, j’expérimente un nouveau mode opératoire, il est 8 h, je dois regagner mon domicile ce soir.

Après les démarches d’admission, on m’oriente vers la salle d’attente ; près de moi une dame semble paniquée. Dans le box qui m’est dévolu, une jeune auxiliaire me remet une tenue de bloc peu élégante, un cachet décontractant suit très vite. Je serre farouchement contre moi une attelle made in Mexico, faudra-t-il bientôt apporter sa boîte à outils et tendre fraise motorisée, bistouri électrique et pinces au chirurgien ?

9 h, le brancardier est là, il ressemble à Bruce Willis, entre 5e élément et 6e sens, il ne doit pas être commode quand il rue dans les brancards !

Direction la salle d’anesthésie où règne une ambiance décontractée, une infirmière se dirige vers moi : « je vous mets sous perfusion pour procéder à l’anesthésie locale », sitôt dit, sitôt fait.

Entre temps, Bruce n’est pas resté inactif, trois brancards ont rejoint le mien, c’est la parité parfaite, deux femmes, deux hommes. Près de moi, je retrouve la dame angoissée, le regard que nous échangeons n’a rien de langoureux, elle pleure, je n’ai pas d’épaule secourable à lui proposer. D’une télévision haut perchée, on dissèque  un match du PSG quand le médecin anesthésiste s’approche, rondouillard, le visage rubicond, il inspire confiance. Il annonce : « Je vais vous piquer dans le cou, tournez-vous vers l’écran de gauche, ajoutant perfidement : « Je rate rarement ma cible », puis il commente l’échographie d’une voix enjouée : « Observez l’aiguille, là c’est la carotide, ici la jugulaire », je ne peux détacher mes yeux de l’écran, je ne sens plus mon épaule.

9 h 50, Bruce reprend du service, il transfère mon brancard dans la salle voisine.

 

Le patient sanglé

La lumière est aveuglante, on aligne le brancard à la table d’opération, on m’y fait basculer, des ombres s’agitent. Il surgit alors, malgré sa blouse bleue, son calot, son masque, je reconnais le bel orthopédiste, on dirait George Clooney dans Urgences, curieux cette manie de déplacer Hollywood en terre brugeoise. Une nouvelle injection, je suis percé de toutes parts, c’est le martyr de Saint Sébastien, je résiste et je sombre.

12 h 40 : «Vous êtes en salle de réveil », sous perfusion, immobilisé par attelle, j’émerge lentement,  c’est encore Bruce qui me ramène à mon box.

14 h : Mon épouse est arrivée, je dois sortir à 16 h, c’est l’attente.

15 h 30 : On me sert une collation, café, madeleine, le café ne vaut pas le Nespresso de George qui est retenu au bloc ; dans le box d’à côté, ma voisine  retrouve son mari.

18 h : George me sourit, dans l’euphorie, je suis prêt à manifester pour « La chirurgie ambulatoire pour tous », pendant que ma femme sacrifie notre carte bancaire sur l’autel des dépassements d’honoraires, Clooney me détaille l’intervention. Ainsi en 1 h 10, profitant de mon sommeil, le chenapan m’a réparé la coiffe des rotateurs, procédé à l’acromioplastie, la résection de la clavicule et à la ténotomie du long biceps ! George, what else, quoi encore ?

L’ordonnance qui suit est truffée de noms complexes, dignes du  discours d’un roi bègue, je me délecte à l’avance de la lecture des redoutables contre-indications.

N’en déplaise à certains professeurs qui trouvent que la pression des groupes pharmaceutiques est intolérable, je me pose désormais en ardent avocat de cette industrie, la France, championne de la consommation de médicaments doit entrer dans le Guiness des records !

18 h 30 : Nous sommes  chez nous, un des avantages indéniables de la chirurgie ambulatoire, c’est d’être à l’abri des infections nosocomiales.

Merci Bruce, merci George, d’avoir figuré au générique de mon film, le plus dur reste à faire, 45 jours d’immobilisation, 6 mois de rééducation…Je m’y attèle !!

Claude Mazhoud