Métissage culturel

Quelques tableaux du Musée d'Aquitaine

Photographiés par D. Sherwin-White

 

Les archéologues des universités de Bordeaux, Toulouse, Poitiers, se sont réunis à Bordeaux, en octobre 2019 pour un colloque : La Nouvelle Aquitaine et les Outre-Mer, le métissage des cultures matérielles aux XVIIe et XVIII e siècle

 

Les chercheurs ont patiemment examiné les inventaires, les archives, les livres de bord et ont analysé les objets trouvés dans les fouilles. C’est ainsi que des poteries semblables sont extraites en Outre-mer et sur les quais de Bordeaux. En effet, depuis les Antilles, les colons, gouverneurs, militaires et capitaines des navires se faisaient envoyer des victuailles de France. Dans la région de Toulouse, à Cox, il y avait 120 potiers. Ils fabriquaient en terre cuite, des écuelles utilisées en Aquitaine et les grosses marmites (contenant 48 cuisses d’oie) servaient à l’expédition outre-Atlantique. Des poteries étaient aussi faites aux Antilles. Certaines, à fonds ronds, du pays Dogon, sont retrouvées en Guadeloupe, celles qui servent à contenir le sucre raffiné, sont marquées aux initiales des colons. Autour des villages des esclaves, les pots à mélasse retrouvés, ont des symboles, sans doute la marque des tâcherons, ou des décors africains. De même, des pipes faites en courge et écume de mer, se vendent encore à Cayenne.

 

Trafic intense 

Les ports de Bordeaux, La Rochelle et Rochefort participent aux échanges. On comptera de nombreux voyages au long cour depuis le port de Bordeaux. Á Rochefort, il y avait 600 gens de mer pour le cabotage et les commerces, le long des voies navigables. Le tabac, la cassonade et le café sont envoyés en France, ainsi que les coquillages qui permettent de montrer sa richesse ; on les expose sur le dessus de cheminée, dans les châteaux bordelais. Le mobilier, fait en bois des îles, est importé, comme la petite table cabaret ou les encoignures et armoires en acajou. Les épiciers sont aussi droguistes, confiseurs, apothicaires et les négociants importent du Sénégal, des gommes produites par l’hévéa. Il faut aussi noter le grand nombre de cuisiniers de couleur, 155 en 1759 en Aquitaine, dont le premier cuisinier sur l’Hermione. En 1769, l’esclave Jean part 4 fois en Afrique, est payé 45 livres/ mois. Alors que Pierre  est à Bordeaux en 1777 et travaillera pendant 40 ans pour la même famille. Un esclave, baptisé à La Rochelle, est affranchi après avoir travaillé 13 ans et ira exercer son métier à Bordeaux. Ils cumulent les spécialités : cuisinier, traiteur, pâtissier, raffineur. En 1729, un esclave raffineur à La Rochelle est libéré, devient liquoriste et crée la Marie Brizard.

 

De la maison au château 

Des centaines de lettres, encore conservées au château de La Barre, permettent de mieux connaitre leurs ancêtres. Ces colons ont une simple maison aux Antilles, mais la fille avec mari et enfants reste habiter le château. Du café, des herbes, de la réglisse, des sirops arrivent au château, en sens inverse, ce sont des vêtements, accessoires réalisés par la fille ; les petits enfants écrivent pour demander du chocolat, des bonbons et citrons confits. La nourrice des enfants est noire, elle fait des cadeaux, calebasses et jeux africains. Dans ce château, les descendants exposent encore aujourd’hui des petits personnages représentant des gens de couleur. La mode en France est aussi influencée par le madras, originaire d’Inde. Comme Colbert en interdit l’usage en métropole, la production est écoulée vers les colonies. Les femmes noires ou métissées en font des coiffes comme celles en usage au Sénégal. Ce sont aussi les Grisettes, à Bordeaux, qui portent le madras. Les robes africaines influencent, par leur forme, les robes dites à la romaine comme celles de Marie-Antoinette. Pour faire de la musique, on utilise les calebasses ou bien un petit tonneau venu de France, une peau de chèvre et on obtient un tambour. Au son de cet instrument, les esclaves dansent la bamboula. Ce nom sera utilisé en France pour désigner les hommes de couleur. Le goût de l’exotisme a favorisé le métissage. 

Pierrette Guillot