Mode, enfant et société

Musée des beaux-Arts de Rennes

Plusieurs siècles seront nécessaires pour libérer les petits lutins des coutumes vestimentaires de leurs parents.

La mode enfantine illustre la place de l'enfant dans la famille et dans la société. Des influences diverses, philosophiques et littéraires ont contribué, le temps passant, à faire évoluer le statut de l'enfant objet à celui de l'enfant sujet. Les peintres nous offrent le catalogue de ce cheminement.

 

Les petites momies.

Depuis la nuit des temps, dès ses premiers jours de vie, le bébé est immobilisé. Certains d'entre nous, enfin ceux nés lors de la première moitié du XXe siècle, se souviennent peut être de frères ou de sœurs enveloppés comme des petits paquets, sanglés dans leur berceau ou très souvent, dans les campagnes, accrochés au mur. La croyance disait que le squelette fragile du nourrisson pouvait subir des chocs ou que ses mouvements désordonnés pouvaient l'atteindre. Des langes solides étaient utilisés. Au XVIIe siècle, est créé à Marseille le boutis. Les femmes de pêcheurs inventent la technique du piquetage et du « boutissage ». La réunion de deux étoffes par des piqûres à la main forme un dessin. Une fine mèche de coton est glissée entre les deux tissus pour former  un relief. Ce matelassage, adapté aux tous petits, permettait confort et solidité. Au même siècle, Georges de la Tour, sur sa peinture intitulée Le nouveau-né montre un petit être enfermé dans des langes, seul le visage est apparent. Cette pratique restera ancrée jusqu'au début du XXe siècle.

 

Tous en robe

Une fois libérés de leurs langes, les enfançons sont affublés d'une robe unisexe jusqu'à l'âge de quatre ou sept ans. Ces robes lourdes et richement ornées de ruchés aux poignets et aux cols suivent la mode des adultes de l'aristocratie. Des cordelettes attachées aux épaules permettent de tenir l'enfant en laisse. Les filles ont droit à un décolleté, elles portent un cors ou corset comme leur mère. Les garçons échappent aux vertugadins et aux paniers mais portent les cheveux longs.

Sur une peinture (auteur anonyme) le futur roi Louis XIV enfant porte un lourd habit en velours bleu bordé d'hermine. Sa robe est brodée de lys au fil d'or. Il se dégage de ce tableau une impression de lourdeur imposée à un enfant si jeune.

Pour les plus humbles, les vêtements des enfants sont taillés dans ceux des adultes après usage.

Faudra attendre la fin du XVIIIe siècle pour qu'une nouvelle perception de l'enfance apparaisse. Jean-Jacques Rousseau, dans son Traité sur l'éducation par certains points contestable, plaide pour une plus grande souplesse : « Ce qu'il y a de mieux est de les laisser en jaquette...leurs défauts du corps et de l'esprit viennent presque tous de la même cause, on les veut faire homme avant le temps… »

 

Musée d'Orsay                                                   Musée de l'Orangerie

Bientôt libérés

Au siècle des lumières, les enfants deviennent sujets de considération, la mise en nourrice est critiquée. Les robes des filles s'allègent, les corsets sont abandonnés. Des tissus légers, vaporeux tels que mousseline et linon sont utilisés, la couleur préférée est le blanc.

Le premier vêtement créé pour les enfants, garçons et filles, est le costume marin nommé matelot. Il symbolisera l'enfance jusqu'au XXe siècle. En été, il est fait de coton ou de coutil, en hiver de serge bleue ou de tricot. On le remarque fréquemment sur les peintures des impressionnistes. Renoir, en1880, immortalise le portrait enfant de Fernand Halphen (compositeur mort au combat en 1917), tableau exposé au Musée d'Orsay.

La littérature enfantine au XIXe siècle va hélas repositionner les fillettes dans un modèle réduit de femme. La coquetterie qu'on leur inculque est un gage de réussite sociale. Les accessoires, châles, chapeaux, gants agrémentent leurs tenues dont l’arrière est accentué par des volants et des coussinets. C'est l'époque des Petites filles modèles de la comtesse de Ségur. Elles évoluent dans une nouvelle classe sociale, la bourgeoisie.

Au XXe siècle, des influences littéraires et cinématographiques ont fait de l'enfant un sujet à part entière. Visuellement Alice, le Petit Prince, Shirley Temple y ont contribué.

En trois cents ans, l'enfant des rois est devenu l'enfant-roi.

Danièle Gardes