Le (dé)goût des autres

Déguenillées, juchée, barbu, beau et ténébreux, poilu et décoré ( D.R.)

Le bon goût est une valeur en voie de disparition. Ces dernières années il ne s’agit plus d’être élégant, mais d’avoir l’air cool ? Retour sur les plus beaux dérapages : les pantalons à géométrie variable, les poils et les tatouages qui envahissent la planète.

 

Le décolleté insensé de Mireille Darc dans le Grand Blond avec une chaussure noire, le béret grège de Faye Dunaway dans Bonnie and Clyde, le t-shirt mouillé de Marlon Brando dans un tramway nommé désir ou la robe blanche de Marilyn se soulevant malicieusement au-dessus d’un soupirail dans sept ans de réflexion, sont une preuve que si l’habit ne fait pas le moine il fait depuis toujours son cinéma sur grand écran. Mais que dire de la rue où tout se ressemble ? Elle a longtemps déterminé la classe sociale, ce qui tend à disparaître. Un jean  s’achète autant chez H&M que chez Diesel.

 

Braies, chausses, culotte, falzar, futal

Mode commode, il faut que mon derrière tienne dans ma culotte dixit ma grand-mère, quand nous portions des vêtements ajustés. Elle se retournerait dans sa tombe en voyant la mode des pantalons d’aujourd’hui. Les modeurs portent des tubulures qui leur saucissonnent les jambes en plissant et qui à force d’être portés font un effet couche-culotte au niveau des fesses, anti sexy, ridicule et un peu vulgaire si cette partie du corps souffre d’embonpoint.

Les pantalons slims épousent l’anatomie. Portés au-delà de la taille 34 sur un mannequin de 1.75 mètre ils font ressembler leur propriétaire à un jésus lyonnais. N’oublions pas les leggins, nom savant des collants sans pieds, qui n’ont de raison d’exister que pour faire du sport ou le ménage. Ma grand-mère Rose a porté le pantalon de Blaise son mari absent durant les quatre années de la guerre. Plus commode pour faire « tourner » la ferme, aidée de ses enfants en bas âge. Au retour de mon grand-père et jusqu’à sa mort elle n’a jamais renfilé ce vêtement masculin… Elle n’aurait sans doute pas davantage apprécié les baggies, actuellement en perte de vitesse : large futal qui laisse voir le slip ou la raie des fesses. Les porteurs doivent se dandiner comme des ours pour se mouvoir, sinon le falzar tombe sur les baskets ouvertes. Le bas des jambes sale et déchiré balaye le sol. Louis mon père, le fils de Rose et de Blaise, disait avec ironie : ça c’est pratique ils peuvent dormir et tout faire  dedans pendant huit jours, sans le poser ! Les adeptes savent-ils que cette mode provenait des prisons où l’on supprimait ceintures et lacets ?

Le jean, vêtement contestataire né dans le milieu ouvrier au XIXe siècle est aujourd’hui un uniforme, qui se personnalise à travers la déchirure. Rose brandirait son fil et ses aiguilles ! Aujourd’hui c’est un signe, un code pour dire. « Je suis à la mode, mais… je refuse le vêtement uniforme ».

 

Poils et les tatouages

Les poils envahissent tout ? De dix-sept à soixante-dix-sept ans le rasage quotidien a disparu, la barbe de trois jours fleurit, elle peut cacher l’acné des ados sur le déclin, être un leurre de séduction chez les quinquas, ou de jeunisme chez les aînés. Quelle chance mesdames, profitez-en pour abandonner vos tortures épilatoires ! Le Hipster hamster, qui se distingue par des habitudes vestimentaires pas très éloignées de celles des mormons, porte un bouc, aussi fourni que la haute chevelure en pétard dompté, qui tient grâce à une gluante mixture. On pourrait le confondre avec un ayatollah s’il n’avait pas les bras recouverts de tatouages. Eté comme hiver, hommes et femmes se promènent bras nus pour exhiber des chefs d’œuvres souvent trop voyants. Cette mode de marquage, utilisée pour l’identification des prisonniers et des animaux ou pour l’appartenance à un groupe tribal, fait fureur. Je pense que beaucoup d’utilisateurs oublient que ce désir de distinction hélas est indélébile !

 

Le paroxysme du bon goût serait : un bobo emballé dans un futal, poilu et tatoué ! Patience, tout passe, la mode aime à se répéter et on a hâte de découvrir le prétexte collectif qui renverra ces attributs au purgatoire du style !

Paule Burlaud