Quand la céramique remplace l'os

Une entreprise limougeaude développe une nouvelle génération de prothèses en céramique pour réparer les tissus osseux défectueux.

 

C’est en 2006 qu’André Kerisit crée I.Ceram, au cœur de la technopole Ester à Limoges. L’entreprise initie une véritable révolution thérapeutique en fabriquant des implants en céramique de haute technologie bio compatibles. Éric Denes, médecin infectiologue, directeur scientifique et Guillaume Lévêque, docteur en céramique ont présenté à L’Observatoire les réalisations innovantes de leur entreprise.

 

Premières implantations réussies

En 2015, au CHU de Limoges, pour la première fois au monde, un sternum en céramique d’alumine est posé chez une femme qui avait développé une tumeur à la suite d’un cancer du sein. La patiente se porte très bien.

En 2017, un jeune homme de 17 ans, souffre d’une infection osseuse chronique. Il avait contracté un staphylocoque doré, logé dans le bas du fémur, qui résistait aux antibiotiques. Un pièce en céramique, trois fois plus résistante que l’os, a été créée sur mesure par I.Ceram et implantée à la place de l’os infecté, après nettoyage de la partie malade. «  Comme un cheval de Troie avec ses petits soldats » dit en souriant Éric Denes, « l’implant avait été chargé en antibiotiques pour tuer toutes les bactéries qui auraient pu rester localement et lutter contre les risques de récidive. » En 12 mois, l’os s’est reconstitué en entourant la céramique. Le patient marche de nouveau et se porte bien.

En janvier 2018, à l’hôpital de la Timone de Marseille, c’est une petite fille de 9 ans qui a bénéficié d’un implant en céramique. Cette intervention chez une enfant est une première mondiale. Elle est née sans sternum, d’où une gêne respiratoire et un creux très inesthétique au niveau de la poitrine. Grâce à la prothèse, l’enfant a reconstitué sa cage thoracique, peut respirer normalement et continuer sa croissance.

 

L’os repousse autour de la céramique

I.Ceram utilise de la céramique d’alumine baptisée Ceramil. C’est un matériau très dur, proche du diamant donc très résistant et qui ne s’use pas, inerte chimiquement. Biocompatible, il ne provoque pas de rejet de la part du corps humain. Très poreux comme l’os, une fois implanté, il est colonisé par les cellules environnantes, ce qui permet la reconstitution osseuse : l’os repousse autour de la céramique. Grâce à ses recherches, I.Ceram a développé également l’utilisation des pores du matériau pour transporter des antibiotiques, diffusés là où c’est nécessaire. Les patients cicatrisent plus facilement et peuvent lutter contre les risques d’infection.

 

I.Ceram, leader mondial

« À ce jour, la fabrication des implants est manuelle » nous explique le responsable du laboratoire Guillaume Lévêque : « on utilise une poudre réalisée à partir de l’alumine extraite du minerai de bauxite (importée d’Allemagne essentiellement), qui est compressée puis cuite. Le procédé de fabrication Ceramil est déposé, c’est un secret professionnel bien sûr. La création des pièces, contrairement aux prothèses métalliques en titane qu’I. Ceram fabrique également, n’est pas robotisée, le matériau peut se casser. Il faut le travailler avec des outils spécialisés. Mais des recherches sont en cours pour trouver des machines qui permettraient l’industrialisation. Le volume des fours de cuisson limite aussi la taille des pièces : par exemple il n’est pas possible encore de fabriquer un fémur entier.

L’entreprise a l’avenir devant elle : elle vient d’obtenir le « marquage CE »* pour son sternum et peut désormais l’exporter vers les 175 pays qui reconnaissent cette certification de qualité.

Pour continuer à innover, contrer la concurrence potentielle et rester le leader mondial, la société consacre 80 % de ses ressources à la recherche, développe l’esprit d’équipe et le goût de l’innovation chez ses 50 salariés. Pour Éric Denes « l’idée est, à terme, d’être capable de remplacer n’importe quel morceau d’os. »

Texte et photos de Marie Depecker

 

* Le marquage CE (conformité européenne) matérialise la conformité d’un produit aux exigences communautaires européennes.