Passion grand écran

Aller voir en salles un maximum de films, anciens et actuels, les faire connaître, les commenter, en parler avec les spectateurs, tel est le challenge de Michèle Hédin. 

Michèle Hédin, dans le hall du cinéma Jean Eustache à Pessac, avant la projection pour les étudiants du club cinéma
Michèle Hédin, dans le hall du cinéma Jean Eustache à Pessac, avant la projection pour les étudiants du club cinéma

Jeudi 3 mars, la responsable du Club cinéma de l’Université du Temps libre (UTL), Michèle Hédin, veut bien répondre à quelques questions, avec gentillesse et professionnalisme dans le hall du cinéma de Pessac. Suivront la présentation, devant les étudiants inscrits au club, la projection du film prévu et les discussions.

 

-Comment avez-vous connu le cinéma ? Pourquoi cette passion ?

-Michèle Hédin « Depuis toute petite, dans la ville du Lot et Garonne où mes parents habitaient, nous allions tous les samedis soirs voir les films en famille, quels qu’ils soient . Mais ma vraie rencontre date de mon entrée à l’École normale d’Agen, avec la projection du Cuirassé Potemkine de S. M. Eisenstein. Après la fac, j’ai été nommée, comme professeur de français et d’histoire-géo au collège de Tonneins, ma ville d’origine.  J’y ai créé mon premier ciné-club, j’avais à peine vingt ans ! On projetait des films en 16 mm que je devais, chaque semaine, aller chercher à Bordeaux. En 1971, je me suis mariée et, venue habiter en région bordelaise, j’ai continué à animer des ciné-clubs dans les collèges où j’exerçais, tout en fréquentant le cinéma Jean Vigo, le Saint-Genès et L’Idéal ciné de Talence, puis à partir de 1990 le cinéma Jean Eustache, d’abord comme spectatrice.

 

-Pourquoi êtes-vous connue comme Madame cinéma ?

-En 1992, c’est le troisième Festival international du Film d’Histoire à Pessac. A la demande d’Alain Rousset, son fondateur, je rédige des dossiers pédagogiques à destination des enseignants qui inscrivent leurs classes. En 1999, je participe à la constitution de l’Association Cinéma Jean Eustache et j’en suis encore administratrice. C’est à ce titre qu’en 2010, dans le cadre d’un partenariat entre le cinéma et l’UTL, je suis devenue la référente. Je m’occupe alors de la programmation, de la présentation et de la discussion après les films. Ce n’est que depuis 2021, après la démission de Danielle Bérard, la responsable administrative auprès de l’UTL que je m’occupe officiellement de la communication avec les spectateurs devenant responsable de l’organisation générale, aidée par une bénévole de l’UTL, Antoinette Ferrer, et d’autres membres du conseil d’administration du cinéma, tous intervenant bénévolement. 

 

-Comment procédez-vous pour le choix des films ?

-J’élabore en août la programmation à partir du programme prévu par le groupe de pilotage pour l’Université populaire Arts, Littérature et cinéma (dont je fais partie). L’UTL m’envoie début septembre la liste des étudiants inscrits qui reçoivent les propositions que j’ai retenues parmi les 33 films des séances UNIPOP1, soit 17 titres sélectionnés. Mon premier critère, c’est de choisir des titres que je connais et qui me plaisent, mais avec la contrainte forte de la durée des films ! Bien sûr, je dois faire attention à ce qu’il y ait des films du patrimoine et d’actualités, des cinématographies d’époques et de nationalités différentes. Certains films récents durent souvent plus de deux heures,( nous  disposons de la salle de projection de 15h à 18 h).  Il faut penser à varier les genres, proposer à côté des fictions des documentaires et du cinéma d’animation, quand c’est possible. Avant le début d’année universitaire j’envoie aux étudiants inscrits le programme, en indiquant s’il s’agit d’avant-premières et en précisant le réalisateur, l’année de sortie, la durée du film, les principaux acteurs, et un petit résumé de l’intrigue avec parfois des mises en garde pour la sensibilité des spectateurs.

 

 La fréquentation : 

Les étudiants du club cinéma ont payé à l’Université 60 euros pour l’année pour les 17 séances. 

J’aime les statistiques :  En 2021-22 ils viennent de 16 communes, dont Bordeaux qui  représente 37% des inscrits et Pessac 15%. Mais ils ne viennent pas tous à toutes les séances, sauf deux hommes fidèles qui disent « c’est une bonne maison ». Certains viennent depuis dix ans ! Généralement il y a 25 à 30 spectateurs, parfois 40. Les absences s’expliquent, certains vont en voyage ou doivent garder les petits-enfants. Les hommes sont plus assidus mais moins nombreux.

Programme de cette année 2021-2022  encadré

15 fictions et deux documentaires, parmi lesquels 4 films en avant-première, comme De son vivant, d’Emmanuelle Bercot ; 8 films français, 7 des États-Unis, comme Fenêtre sur cour d’Alfred Hitchkock. Il y a une majorité de films des années 2020-21(6) et 1940-1950 (5), comme Tirez sur le pianiste de François Truffaut ou Tous en scène de Vicente Minelli.

 Je m’occupe des envois d’infos par courriel avant ou après la séance, en fonction des intervenants et des questions des participants sur le sujet.

 

Toujours aussi énergique et enthousiaste, Michèle Hédin dit « maintenant rejoignons les spectateurs pour voir le film : Alexandre Nevski de Eisenstein (URSS, sorti en 1938, durée 1h40). C’est Patrick Richet, agrégé d’histoire, ancien professeur en classes préparatoires au Lycée Camille Jullian, qui vous présente ce drame historique. »

 

Dans la salle Jacques Tati du cinéma Jean-Eustache, intervention de Patrick Richet, après le visionnage du film

-Présentation par Patrick Richet

Attention chef-d’œuvre !

-En 1938, le réalisateur Eisenstein, malgré ses différends avec Staline, est contacté pour réaliser le premier film parlant en URSS. On lui offre beaucoup de moyens techniques et la collaboration avec le musicien Sergueï Prokofiev. Seule condition, ce doit être un film exaltant le nationalisme contre l’expansionnisme nazi. Un membre du parti, est imposé à Eisenstein pour surveiller le tournage.

Résumé du drame : « au XIIIe siècle, le combat homérique du prince Nevski pour repousser l’invasion des Chevaliers teutoniques, se termine par la formidable bataille des glaces, portée par l’admirable musique de Prokofiev ».

 

 -Réactions des spectateurs-Qui n’a pas aimé ce film ?

-Trois personnes trouvent la bataille trop longue, une s’est presque endormie. On trouve qu’il n’y a pas de nuance, que c’est un film de propagande. Tous pensent à la guerre actuelle mais avec une inversion de la situation : dans ce film les Russes sont les bons  et, les Allemands, les méchants.

-Patrick Richet intervient : « il faut surtout retenir le décalage de la bataille avec la musique de Prokofiev : les cuivres, les sons graves sont suivis de musiques plus légères ou d’airs folkloriques. Il faut voir la magie des images aux nuances de blanc et noir, les allemands sont vêtus de noir et les russes de blanc. Noter les cadrages, les contre-plongées. Ce film vu et apprécié en 1938, a disparu des écrans en 1939 au moment du pacte germano-soviétique et ne réapparaît qu’en 1941, après sa rupture.

A la sortie de la salle de projection, quelques personnes veulent bien continuer de parler de la programmation durant cette année : « c’est bien et éclectique - ce que j’aime c’est échanger- nous ne sommes pas trop nombreux et on nous met très à l’aise-Nous reviendrons l’an prochain. »

Michèle Hédin a réussi son pari : variétés des filmographies, présentation par des passionnés, échanges animés et enrichissants.

 

Propos recueillis par Pierrette Guillot  Photos de D. Sherwin-White

 

 notes de bas de page

Pour la musique de Prokofiev, plusieurs sites dont un blog pédagogique de l'Université Paris Nanterre (https://blogs.parisnanterre.fr/) mais surtout une analyse dans la série de France culture "Musique et cinéma : les intermittences du cœur (3/5)"https://www.franceculture.fr/emissions/continent-musiques-dete-multidiffusion/musique-et-cinema-les-intermittences-du-coeur-35

 

1 UNIPOP vor article de Nicole