Catalane dans l'âme

Entre Saint-Cyprien et Collioure, Argelès-sur-Mer étire sa robe de sable sur 7 km

Comment une modeste station balnéaire de 2 000 habitants à la fin des années 50 est-elle devenue l’un des fleurons de la Méditerranée ? Et comment sa population peut-elle basculer de 10 000 en hiver à 140 000 en août sans heurt ? C’est l’histoire d’Argelès et de sa configuration géographique.

 

Un site privilégié

À égale distance de Perpignan et de l’Espagne, adossée aux Albères, avec dans le lointain l’imposant Canigou, Argelès doit son nom à la terre argileuse sur laquelle elle fût bâtie. Ville médiévale du IXe siècle, ville catalane quand on entend des accents de sardane au détour de ses ruelles typiques !

Argelès-plage a connu la métamorphose des petits ports de pêche où l’on passe des cabanes de pêcheur aux cabines de bain puis aux premières villas au début du XXe siècle.

Tout au bout de l’immense plage, avec les criques du Racou, c’est l’amorce de 2 km de côte rocheuse aux confins de la mythique Collioure.

Depuis 1989, Port-Argelès est le paradis de la navigation de plaisance, on peut y admirer encore la traditionnelle barque catalane.

 

Naissance d’une station

La deuxième guerre mondiale a brisé le bel élan impulsé par le Front Populaire avec les congés payés. Dès les années 50, le camping permet aux plus modestes d’accéder aux plaisirs de la mer.

Pour Argelès, le succès est fulgurant, il faut alors renforcer les structures d’accueil. Aujourd’hui, 54 campings font de la station l’un des leaders de l’hexagone, 22 hôtels, une dizaine de résidences de vacances, une centaine de restaurants agrémentent l’éventail touristique. Il est loin le temps des canadiennes, des tentes classiques et des caravanes, ici le confort du mobil-home est roi.

Cette évolution contribue à estomper de vieux clichés comme la caricature beauf du campeur.

 

Des atouts certains

Même balayées par la tramontane, les plages d’Argelès sont noires de monde. Tout près de la mer, le Bois de pins, plantation de 12 ha, est l’endroit idéal pour pique-niquer, ce qu’apprécient les Perpignanais. La réserve naturelle du Mas Larrieu abrite un des derniers massifs dunaires du littoral, ce site classé à l’embouchure du Tech protège de nombreuses espèces.

La vie estivale continue d’être ponctuée par le folklore catalan et depuis 6 ans, le festival Les Déferlantes se tient au parc de Valmy. En 2011, Joe Cocker, légende du rock mondial a installé l’évènement dans le cercle fermé des grands festivals. Cette année, Sting, Bénabar, Catherine Ringer sont attendus.

Le château de Valmy, construit en 1888 à la demande de Jules Pams, ministre sous la IIIe République et candidat malheureux à la présidence de la République, a été acquis par la municipalité en 1987. Dans un cadre romantique, son parc de 5 ha offre un panorama unique dominant la mer et la plaine du Roussillon.

Parler de déferlantes, c’est évoquer l’invasion d’estivants qui, attirés par la réputation d’Argelès, portent la population au nombre effarant de 140 000. Parmi eux beaucoup de jeunes venus de tous horizons, surtout de la ceinture parisienne.

Des bataillons de géants bataves investissent la place, un camping est entièrement occupé par des allemands ! Cette jeunesse turbulente doit être canalisée, aussi les effectifs des forces de l’ordre sont doublés en été.

 

La Retirada

Argelès, c’est le terrible exode qui amena sur la plage 100 000 républicains espagnols de février 39 au début 42. La France n’offrit qu’un camp de concentration et des fils de fer barbelés à ces réfugiés fuyant la barbarie franquiste.

Pierre Aylagas, maire d’Argelès, fils de républicains, confie : « Mon père et mon oncle n’ont dû leur salut qu’en travaillant la vigne de Valmy. »

Sa sœur, Asunción se souvient :

« J’avais 7 ans, la dysenterie et d’autres maladies ravageaient le camp, les morts étaient ensevelis à même le sable, plus tard on a dégagé des ossements dont ceux de bébés. »

Le monument des Espagnols et une stèle sur la plage rappellent la tragédie car, comme le chante Ferrat, « Le sang sèche vite en entrant dans l’histoire. »

Dans la nuit catalane, de subtiles mélodies, parfois assourdies par la tramontane, rythment le pas léger des danseurs, c’est la sardane !

Heureux Argelésiens qui veillent jalousement sur leur patrimoine naturel et culturel sans oublier leur passé.

 

Claude MAZHOUD