Voix océanes

Avec son équipe, Éric Parmentier cherche à comprendre comment la faune marine s'exprime.

 

 

Eric Parmentier dans le laboratoire de l'Université de Liège ( photo Parmentier)
Eric Parmentier dans le laboratoire de l'Université de Liège ( photo Parmentier)

 

Professeur à Liège

 Éric Parmentier, biologiste, est professeur et directeur du Laboratoire de morphologie fonctionnelle et évolutive à l’Université de Liège en Belgique où il propose des cours de biologie animale et de morphologie des vertébrés marins.

Il est l’auteur de nombreux ouvrages scientifiques parmi lesquels, en 2021, Les appels acoustiques pour distinguer les espèces cryptiques chez les demoiselles, La production de son chez les piranhas, La biophonie d’un récif corallien à Moorea, etc.

 

 

Avec son équipe, le biologiste

Dans l’estuaire de la Gironde, les pêcheurs « à l’oreille », se servent toujours de la coque de leur bateau comme caisse de résonance, pour repérer les bancs de maigre qui grognent pour attirer les femelles. En effet, la faune marine émet des quantités de sons principalement pour défendre un territoire, repérer une proie, donner l’alerte à l’approche de prédateurs ou par les mâles pour attirer les femelles.

 

Eric Parmentier, biologiste et spécialiste en morphologie, nous invite à un voyage au pays des sons. Il avoue se sentir « un peu seul dans son coin parmi les acousticiens ». Avec son équipe, il essaie de comprendre les mécanismes de production de sons, leurs fonctionnements et la stratégie utilisée par les poissons pour communiquer. 

Des sons pour draguer

L’émission d’un signal sonore a pour but de modifier le comportement de celui qui le reçoit, de manière bénéfique au moins pour l’émetteur. Ceci permet de souligner l’existence d’une communication. Chez certaines espèces, différents types de sons peuvent être associés à différents comportements.

Le chercheur précise : « Chez la demoiselle, il existe un type de son pour draguer, un autre pour attaquer, se défendre, un pour la reproduction, etc. Mais, cinq ou six sons différents chez une espèce ne suffisent pas à caractériser un langage ! »

Il ajoute que « la capacité à produire des sons est apparue plusieurs fois au cours de l’évolution chez les poissons. De ce fait, différents mécanismes sont impliqués selon les espèces. Une partie de ceux-ci fait appel à des processus de stridulation, des frottements de structures dures du corps comme les dents ou les nageoires. D’autres processus impliquent des muscles qui font vibrer la vessie natatoire. Ces muscles retiennent l’attention car ce sont les muscles les plus rapides au monde. Certains peuvent se contracter à 300 Hz, soit 300 cycles de contraction / relaxation par seconde. Il existe encore d’autres mécanismes spécifiques à des groupes en particulier ».

 

La mer est un réservoir sonore

L’eau conduit les sons mieux que l’air et quatre fois plus vite ! Les bruits des vagues, des hélices de navires, ou ceux de la faune marine sont réfléchis par les couches d’eau et créent de véritables nappes sonores. En mer, les hydrophones enregistrent tous les sons situés dans la fenêtre acoustique ! Pour pallier cet inconvénient, les chercheurs déploient des caméras couplées à des hydrophones pour suivre au mieux l’association comportement – sons, soit des hydrophones sans caméra. Dans ce cas, l’observation a lieu pour suivre, par exemple, l’activité au cours d’une journée ou sur une plus longue période. Le travail en laboratoire fonctionne bien pour les espèces territoriales, en laissant le temps aux mâles de s’adapter à leur environnement, puis en introduisant des spécimens des deux sexes de manière à provoquer des comportements de défense du territoire ou de cour. Mais en aquarium les poissons peuvent modifier leur comportement ou ne pas exprimer tout leur panel de comportement. En outre, les parois de l’aquarium peuvent déformer les signaux acoustiques.

 

 

Éric Dabé

[1] cf. article du Zoological Journal of the Linnean Society du 26 octobre 2021