Au fil de la Creuse

Au 19e siècle, grâce aux écrits de Georges Sand, la Creuse fait grand bruit dans le milieu intellectuel parisien.

 

 George Sand                                      Armand Guillaumin

La Creuse prend sa source dans le Massif central à 816 m d’altitude sur le plateau de Millevaches au lieu-dit Chirat. De plateaux en vallons verdoyants ou vastes cassures, elle rejoint la Vienne 263,60 km plus loin au Port-de-Piles.

 

Paysages champêtres

À 20 km de son lieu de naissance, plane le souvenir des peintres paysagistes dit de l’École de Crozant. Nom donné à ceux qui ont puisé leur inspiration sur les bords de la grande et de la petite Creuse, de Fresselines à Crozant. Ce sont les premiers à sortir de leur atelier pour peindre nature et vie paysanne. C’est ainsi que nous y retrouvons Armand Guillaumin. Il s’y établit en 1891 et ne cesse de reproduire jour après jour la nature creusoise quelle que soit la saison. Les hivers sont rudes dans cette région. En 1894, les gelées blanches lui valent un véritable triomphe lors d’une exposition où sont réunis une centaine de ses toiles et pastels. Son Paysage de neige à Crozant ainsi que Le chemin des gouttes restent les exemples types des théories impressionnistes. Claude Monet, venu pour sa part à Fresselines rendre une courte visite à son ami Rollinat, y reste trois mois de mars à mi-mai. C’est la saison où les couleurs d’hiver mutent vers celles du printemps, où, d’un jour à l’autre, la luminosité succède à la grisaille. Au fil de ces changements atmosphériques la Creuse, alors claire et limpide, devient grise, jaune, verte ou boueuse. Un véritable tourment pour l’artiste qui cherche à reproduire le souffle du vent, le tumulte des eaux : instants fugitifs. Il en repart avec 23 toiles.

 

Poète inspiré

Certains comparent ses écrits à ceux de Baudelaire ou de Verlaine. Après 13 ans de vie parisienne, malade, épuisé par ses névralgies, Maurice Rollinat, poète et pianiste, se réfugie en 1883 à Fresselines auprès de ses amis de l’École de Crozant. Cet homme tourmenté, remettant en cause l’existentiel trouve ici des moments d’apaisement. Cinq livres marquent cette période : L’abîme, La nature, Le livre de la nature, Les apparitions, Paysages et paysans.

Extrait de La Nature :

Matin brumeux

Sous sa vapeur laiteuse et fixe, la rivière

Figure ce matin un bain de vif argent

Où les arbres penchés – le ciel se nuageant

Transparaissent brouillés ainsi que la lumière

 

Gargilesse

« Les maisons se regroupent autour de l’église, plantée sur le rocher central, et s’en vont en pente par des ruelles étroites, jusque vers le lit d’un délicieux petit torrent dont les eaux se perdent encore plus bas dans la creuse. » Pour fuir les mondanités de Nohant où elle recevait ses amis, Musset, Dumas, Balzac, Flaubert, Théophile Gaultier, Litz, Delacroix et bien d’autres encore, Georges Sand parcourt les campagnes environnantes. C’est ainsi qu’en 1843, elle découvre Gargilesse en compagnie de Chopin. Il n’y avait alors ni chemin ni auberge. Dans une lettre écrite à une amie elle écrit : « Chopin a grimpé sur son âne, il a couché dans la paille et ne s’est jamais aussi bien porté. » Elle écrit encore « Ce jardin naturel qui s’étend sur les deux rives de la Creuse, c’est l’oasis du Berry. » Et aussi « nous sommes les amoureux de la Creuse. » 50 km séparaient Nohant, où elle vivait alors, de Gargilesse : 10 h de trajet. Elle y revient 14 ans plus tard, accompagné de son nouvel ami Alexandre Manceau, graveur. Tombé sous le charme d’une modeste chaumière, ce dernier s’en porte acquéreur et l’offre à Georges. Ils la nomment Algira, nom d’un papillon découvert lors de leurs nombreuses promenades champêtres. Cet environnement sied à merveille à notre romancière qui y rédigera treize romans, deux volumes d’essais et trois pièces de théâtre.

 

Aujourd’hui, Fresselines a son espace Monet-Rollinat, Crozant se dit Vallée des peintres et met en exergue Guillaumin. À Gargilesse où la présence de Geoges Sand est présente, la visite d’Algira s’impose.

 

Jeanine Lacoste-Duguet

 

Georges Sand : 1804-1876

Armand Guillaumin : 1841-1927

Monet : 1840-1926

Maurice Rollinat : 1846-1903