Le Cantabria

1937 : le Cantabria au petit matin (photo de A. Papillon)
1937 : le Cantabria au petit matin (photo de A. Papillon)

L’événement le plus marquant qui reste dans toutes les mémoires Canaulaises est celui du dragueur gouvernemental espagnol le Cantabria, qui perdu dans les brumes s’échoua à trois kilomètres

 

De tout temps la côte Atlantique a été dangereuse et les seigneurs du pays Médoc disputaient au roi le droit d’épave, d’ambre et de naufrage. Pour parer à ces pratiques, en 1774 Henri II d’Angleterre, l’époux d’Aliénor, leur accorda droit de varech, bois et naufrage sur la côte de leur seigneurie.

 

Ils fuyaient la guerre civile.

Le 26 août 1937 le Cantabria partit du port de Santander dans le golfe de Gascogne, il avait à son bord 497 réfugiés dont 178 combattants, 193 femmes et 126 enfants qui fuyaient le franquisme. Le capitaine avait pour mission de débarquer ces malheureux à Pauillac. Le départ s’était bien passé malgré quelques raids des avions nationalistes qui survolaient les environs de Santander. La nuit le bateau, au large des

côtes françaises, rencontra une brume qui devînt de plus en plus épaisse. Trompé par les lumières de Lacanau et le phare d’Hourtin, à trois heures, le Cantabria à quelques encablures de la côte s’échoua. Heureusement la mer était calme, aux premières heures de la matinée, les passagers descendirent sur la plage. Les baigneurs matinaux organisèrent le ravitaillement. Des collectes parmi les estivants permirent d’acheter pain et bananes, on apporta du lait aux enfants dont quelques-uns avaient moins de trois ans.

Parmi les naufragés, certains étaient blessés : l’un deux, gravement atteint lors des combats du 15 août, fut conduit chez le docteur local qui lui donna quelques soins avant de le faire évacuer. Les réfugiés furent dirigés par train vers Bordeaux.

Sur le quai de la gare, la population rassemblée continue d’apporter de la nourriture comme si elle n’avait pas envie de les laisser partir ! Le train arrive, les wagons rappellent ceux dans lesquels, quelques années en arrière, s’entassaient les soldats français en route pour le front. Inscrits à la craie sur les wagons : Muera Franco ! Viva el frente popular ! Remplacent : à Berlin !…et à bas Guillaume !

Un habitant du Huga, d’origine espagnole et parlant la langue, hébergea plusieurs familles qui resteront et deviendront Canaulaises.

Tous ces gens allaient connaître une autre vie. Certains seront placés dans des camps, les militaires renvoyés au combat, d’autres allèrent vers un destin nouveau. Ce fut le cas pour cet enfant de trois ans Raphael Urriarte, retrouvé ici, à Lacanau Océan en 2004, soixante-sept ans plus tard. Ses parents l’avaient confié à son grand-père amputé d’une jambe qui se déplaçait couché sur un chariot roulant. Le tandem ne passa pas inaperçu. Il fut adopté par un couple de commerçants bordelais qui possédaient une maison de vacances.

 

Quand le Cantabria se rappelle à notre bon souvenir.

 

2010 : quand le Cantabria ressurgit (photo de B. Papillon)
2010 : quand le Cantabria ressurgit (photo de B. Papillon)

Si les hommes, les femmes et les enfants qu’il sauva de la guerre partirent vers une autre destinée, lui, resta sur place en proie aux éléments naturels qui le font ressurgir de temps en temps, surtout l’hiver.

Raphael rapporte aujourd’hui une autre version de cet épisode que lui a raconté son grand père avant de mourir : le capitaine n’aurait pas reçu l’autorisation d’entrer dans les eaux territoriales françaises et aurait échoué volontairement son bateau !

Cette version des faits qui, vraie ou fausse, est rapportée par bien des anciens. Qu’importe, quand il est visible, le Cantabria planté droit sur sa quille, au pied de la dune, impressionne.

Un journaliste espagnol déclara : " Le Cantabria échoua là, sur la plage, comme échoua la République. "

Les lieux où les naufrages se sont produits portent le nom des navires sinistrés : l’Alexandre, le Lion. Les voleurs et les pilleurs d’épaves ont disparu, cependant le fait de s’approprier les bris de naufrage est resté longtemps une coutume bien tolérée. Qui n’a pas entendu dire que de nombreuses charpentes de maison de Lacanau-Océan ont été construites grâce au bois des bateaux échoués ?

Paule Burlaud

2013

 

*Source : Lacanau a cent ans de René Magnon.

 

 

 

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Photos prises par des vacanciers en 1937 (documents transmis en 2016)