La grâce des chats

Écrire sur la beauté sans évoquer celle des chats serait dommage.

 

Certes leurs détracteurs les traitent de paresseux, voleurs, sournois, voire cruels. Quand le chat joue avec la petite souris qu’il a à moitié estourbie et qu’il finit par achever, d’un point de vue anthropomorphiste, ils n’ont pas tort.

Mais depuis que nous cohabitons pacifiquement, avec eux ils jouent aussi un rôle utilitaire incontestable en particulier dans la protection des réserves, de céréales entre autres. Cela fait 10 000 ans que ça dure.

Toutefois, la spécificité du chat, sa principale qualité, c’est qu’il est beau sans qu’il soit nécessaire de lui attribuer d’autre caractéristique. Il est « apodictiquement » beau.

 

Étirements voluptueux

D’où tient-il cette beauté et ce pouvoir de séduction ? Pourquoi une majorité de Français aime-t-elle les chats (il y en aurait 15 millions dans le pays) ? Pourquoi attire-t-il le regard et la caresse ?

L’équilibre de ses formes, sa légèreté, sa souplesse, la douceur de sa peau, ses yeux si mystérieux, les sept vies qu’on lui prête, la distance qu’il maintient vis-à-vis de nous et qui peut passer pour du dédain, ses étirements voluptueux, la fulgurance de ses changements d’attitude, tout cela a quelque chose de très séduisant et finalement assez féminin, qu’il soit chat ou chatte. Il est vrai que, dans le premier cas, nous avons pris la fâcheuse, mais nécessaire habitude, de les priver de leur virilité. Nos amis allemands ont d’ailleurs féminisé leur nom die Katze.

Parmi les félins, à part ses cousins germains tels l’once ou l’ocelot, ses parents plus éloignés, comme le tigre, sont incontestablement beaux, mais leur poids et leur taille les font paraître tout de même un peu lourdauds par rapport au chat.

 

Dans l'histoire 

Dès l’Égypte antique, il est vénéré et représenté dans une multitude de dessins et de statues. Chez les Grecs et les Romains, il continue à être un compagnon apprécié. À l’époque, c’était plutôt l’apanage des familles aristocratiques de posséder des chats.

Hélas, au Moyen Âge, les chats ont connu une triste période. Associés à la sorcellerie, surtout les chats noirs, ils ont connu persécution et massacres. Ils ont parfois été condamnés au bûcher. Funeste époque pour la gent féline. Heureusement, le chat est retourné en grâce auprès des humains.

Depuis, il a inspiré les poètes, les peintres et mêmes les musiciens dont Rossini dans son célèbre Duo des chats.

 

« Il n'y a pas de chat ordinaire »

Hormis les infortunés allergiques à leurs poils, les écrivains dont les chats ont servi de muse, sont innombrables.

Pêle-mêle et selon un choix tout à fait subjectif, citons Victor Hugo, grand amoureux des chats, qui a dit : « Dieu a créé le chat pour donner à l’homme l’impression de caresser un tigre. » Bien avant lui, Léonard de Vinci disait : « Chaque chat est un chef d’œuvre. » Baudelaire, félinophile, s’il en fut, a écrit dans un de ses poèmes : « Vient mon beau chat sur mon cœur amoureux//Retiens les griffes de ta patte// Et laisse-moi plonger dans tes beaux yeux// Mêlés de métal et d’agate. » « Il n'y a pas de chat ordinaire » disait Colette. Ils sont beaux à tous les âges de leur vie. Du chaton attendrissant roulé en boule au chat âgé qui souvent reste beau juste ante mortem. Louis-Ferdinand Céline a écrit à la mort de son chat le célèbre et aventureux Bébert :« Il est mort, agile et gracieux, le matin même il sautait encore par la fenêtre. » Et comment ne pas citer Georges Brassens : « Quand Margot dégrafait son corsage pour donner la gougoutte à son chat… », touchant tableau.

Le seul élément de séduction qui leur manque est peut-être le sourire, encore que Lewis Caroll a vu sourire le chat du Cheshire d’Alice au pays des merveilles et citons Cocteau qui a dit : « Je préfère les chats aux chiens, car il n’y a pas de chats policiers. »

Quant à moi, ma préférence va aux chats de gouttières qui associent, me semble-t-il, les attributs de la beauté et de la liberté et sont sans doute un peu anarchistes.

 

 

Jean Malbot