Entre les pages d'un livre

Le livre est un bel objet magique qu'on savoure avec les enfants pour partager leur émerveillement

Donner du temps, discuter, parler, découvrir, c’est ce que nous propose Dominique Seguin, au sein de sa librairie jeunesse Au petit Chaperon Rouge1, au cœur du quartier de la Bastide.

Entrée dans le métier par la petite porte, un DU Jeunesse en poche et après15 ans de labeur au sein de la librairie jeunesse Comptines à Bordeaux, Dominique a choisi d’ouvrir, en 2007, sa propre librairie.

Plus de trente ans d’expérience professionnelle lui confèrent aujourd’hui une parfaite connaissance du métier, ses difficultés et ses richesses. Malgré les écueils et les doutes rencontrés sur sa route, elle garde intacts, son dynamisme, son énergie, sa passion des livres, des mots et des êtres.

Que nous donne à voir l’enfant sur la perception du beau, intérieure, abstraite mais toujours source de découverte et d’émerveillement ? C’est à ce parcours initiatique que nous convie Dominique Seguin. Avec elle, découvrons comment le beau peut être parlé, montré et partagé avec l’enfant.

Pourquoi vous êtes-vous spécialisée dans le livre pour enfants ?

J’ai créé ma librairie avec mes choix : prendre le temps plutôt que faire du chiffre.

Bien sûr, j’ai l’étiquette « librairie jeunesse » mais les livres d’artistes dits pour enfants n’ont pas de limites, pas de frontières, ils sont aussi pour adultes.

Et c’est ce partage, cet échange qui m’enrichissent et mettent en lumière cette capacité d’émerveillement qu’ont spontanément les enfants et qu’il faut parfois réveiller chez l’adulte.

Pour vous qu’est-ce qu’un beau livre ?

J’aime les livres qui m’embarquent quelque part. Un livre doit me provoquer quelque chose : toutes sortes d’émotions, mais qui emportent. En permanence, je cherche des auteurs qui osent, des mises en pages qui ne ressemblent à aucune autre. Le beau doit me procurer une émotion qui m’envahit, me met presque au bord des larmes. Et là, j’aime dire à l’enfant « tiens, regarde, le monde il peut être comme ça ».

Je veux le rendre curieux, ouvert sur les autres. Les enfants attendent que je les fasse rêver.

Comment vous faites vous connaître ?

Au fil des années, je me suis constitué un réseau d’auteurs, d’illustrateurs. J’arpente les salons du livre, les maisons d’éditions. Je propose des livres, parle de mon métier. J’organise des évènements, je m’inscris dans des manifestations culturelles.

Auprès de quel public travaillez vous ?

Les tous petits (j’interviens dans des crèches) les enfants (je travaille avec plus de trente écoles primaires et maternelles), en passant par les adolescents (les collèges font régulièrement appel à moi) et même les adultes que je rencontre dans ma librairie ou lors d’opérations telles que des Livres à soi ou Jeunes en librairie auxquelles je participe régulièrement.

Comment travaillez-vous ?

Je montre le livre, je m’assois à côté de l’enfant. J’écoute chacun de ses mots, de ses désirs et j’essaie de l’emmener vers ce qu’il veut mais sans jamais pour autant renoncer à ce que j’aime. Paradoxalement, un livre sans images permettra à l’enfant de visualiser, d’imaginer. Au travers des mots bruts, il pourra plus facilement construire sa représentation, ce qu’il va trouver beau ou pas. Je mets en place des amorces pour découvrir. Je sème des idées, des envies.

Laissez-vous les émotions s’exprimer librement ?

Les livres, notamment les contes, s’ils traitent de l’imaginaire, du facétieux, du mystérieux, permettent d’affronter la vie réelle. Ainsi les enfants mettront plus aisément des mots sur leurs émotions et pourront mieux les maîtriser.

Je ne suis pas là pour juger, je n’ai pas à critiquer. En lecture, l’enfant a tous les droits et surtout celui d’avoir mauvais goût, parce que le mauvais goût c’est l’adulte qui le définit.

Travaillez-vous aussi avec les parents ?

Oui cela me paraît primordial. Certains maîtrisent mal la langue. Alors nous explorons le livre ensemble. Nous communiquons par des gestes, des sourires. Au travers d’une lecture partagée l’enfant et sa mère, parfois son père, sont présents l’un à l’autre.

En conclusion quel est l’important pour vous ?

La simple beauté physique n’amène pas grand-chose, mais un conte d’amour, d’amitié, d’entraide conduit à une façon de penser, de réfléchir sur notre monde. C’est beau parce qu’à un moment il y a une action qui fait du bien au corps, au cœur et qui apporte la sérénité.

Le beau c’est comme un voyage. 

Autour d’un livre, d’un café convivial, Dominique Seguin nous donne les clefs pour ressentir, être attentif à nos émotions.

Partager, donner recevoir, rire et sourire ensemble : autant de chemins à explorer, de mots à goûter, d’images à savourer pour trouver -ou retrouver- le goût de la beauté, le sens de la vie.

 

Dominique Beutis

1356 avenue Thiers, Bordeaux

 

Des livres à soi

Initié en Seine-Saint-Denis par le Centre de promotion du livre de jeunesse, le projet vise à accompagner les professionnels du champ social et éducatif qui mettent en œuvre l’opération dans les quartiers de Floirac, Cenon, Lormont et Bassens. Objectif : utiliser le livre jeunesse pour faciliter les relations intrafamiliales, donner confiance aux enfants et encourager leur réussite scolaire.

Jeunes en librairie

Opération à destination des collégiens, lycéens, apprentis, etc… pour les sensibiliser à la chaîne du livre, en particulier au métier de libraire et au rôle essentiel joué par la librairie indépendante. Le dispositif repose sur un partenariat entre le ministère de l’Éducation nationale et le ministère de la Culture. 

 

Trois beaux livres conseillés par le Petit Chaperon Rouge

L’été de Vivaldi, Suzy Lee, éditions Rue du monde

Cet album est un livre exceptionnel à écouter avec les yeux et à regarder avec les oreilles ! Au fil de ces 148 pages, on vibre sur L'été, la deuxième des Quatre saisons de Vivaldi, en compagnie d'une joyeuse bande d'enfants qui jouent, s'arrosent, dansent, tournoient… Emportés par la musique et par les pinceaux de l'artiste, ils célèbrent ensemble la belle saison. Ce livre d'art est signé par la grande illustratrice coréenne Suzy Lee

La fille du phare, Annet Schaap, éditions École des loisirs

Une nuit de tempête, les éléments se déchaînent et un bateau se fracasse sur les récifs. Le fanal du phare qui devait guider le navire ne s'est pas allumé. Que s'est-il passé ? Une imposante et inquiétante demeure, la Maison Noire. Elle appartient à l'amiral, et on prétend qu'elle abrite un monstre. Qui peut croire ça ? La fille du gardien de phare apportera des réponses à ces deux questions et à beaucoup d'autres.

Le maître du lac, Léo Timmers, éditions Cambourakis

Quatre petits canards décident de se baigner dans un lac. L'un d'eux s'inquiète : ne raconte-t-on pas qu'un monstre se cache dans ses profondeurs ? Mais il s'agit sûrement d'une légende. À moins que... ? 

 

« tirez la chevillette et la bobinette cherra »

« La beauté est dans les yeux de celui qui regarde » écrivait Oscar Wilde. Quoi de mieux que le regard d’un enfant pour nous révéler des sentiments, des émotions que l’on croyait enfouis en nous.